Hawley Island, Baby

Musique / Ancien guitariste de l'ombre dans une poignée de groupes anglais, Richard Hawley, crooner et songwriter d'exception, a bâti en solitaire une oeuvre discographique singulière et bouleversante. À découvrir aux Nuits de Fourvière dans un Odéon prêt à frémir. Stéphane Duchêne


Quand Richard Hawley a cessé ses activités de guitariste des Longpigs puis de Pulp, il a probablement dû s'écrier, mais discrètement, la bouche dans un mouchoir : «enfin seul !». Car en marge de ses activités de groupe, entamées à l'âge de 14 ans à Sheffield, cet homme de l'ombre avait un projet secret et solitaire. Richard Hawley, c'est lui qui le dit, est en effet de ces musiciens qui ne s'épanouissent qu'en solitaire et qui, pour composer, s'isolent, se posent à l'écart du monde, dans quelque îlot de résistance sans télé, ni internet, sans écrans pour brouiller la communication avec le Dieu inspiration. Un chevalier errant qui, une fois débarrassé de ses obligations, a donc pu, comme Lancelot du Lac affranchi de Camelot, se lancer dans sa quête de pureté, à la recherche de son propre Graal musical. De sa propre impudeur aussi. Car s'il n'est pas un homme public, Hawley ne s'en livre pas moins corps et biens (et âme bien sûr) au long d'albums intimistes et posés, pesant puis habillant ses mots avec soin en un mélange de sophistication et d'épure, à l'écart du monde, donc, et un cran au-dessus de la mêlée. The Voice
Pas pressé d'aboutir dans sa quête, car le chemin est une fin en soi, Richard Hawley avance lentement, sans feuille de route, sans formule pré-mâchée, sans image médiatique à préserver. Et surtout l'œil toujours un peu collé au rétro. D'où ces albums sans âge, contemporains de rien, patinées à la country, au rock n'roll originel, à la pop crooneuse de fête foraine, de casino ou de croisière flottante sur rafiot clinquant pour cacochymes. Avec Hawley, on voyage quelque part entre Las Vegas et Atlantic City, Brighton et Coney Island, ces villes dont on doit rêver quand on voit le jour (ou ce qu'il en reste) dans la grisaille de la sinistre Sheffield. À bien l'écouter, on imagine que le petit Richard devait alors fantasmer appartenir à quelque Rat Pack. Aujourd'hui, il est un peu un Rat Pack à lui tout seul : physique incertain et un peu désuet à la Sammy Davis Jr. mais vieille classe à la «Dino» Martin et voix digne de «The Voice» Sinatra, qu'il module plus gravement, avec finesse et maniaquerie, jusqu'à trouver le ton juste. Une voix comme nichée au creux de l'oreille de son auditeur (un vieux micro des années 40 serait le secret de cette coquetterie). Voix en avant, chanteur en retrait : «medium is the message», comme disait l'autre. Richard Hawley + Sam Amidon
Au Théâtre Antique de Fourvière (Odéon) dimanche 27 juin.


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