Les auteurs à la fête

Une fête du cinéma sans pop-corn ni cola, c'est possible ! Ce n'est peut-être pas la fête, mais au moins, c'est du cinéma ! CC


C'est, au choix, le sommet du snob ou une saine alternative : commencer la fête du cinéma avec Film socialisme de Jean-Luc Godard. Un film particulièrement peu fait pour être avalé au cours d'une orgie de cinéma, mais qui est aussi, par sa rugosité et son acharnement à ne penser qu'avec des images et des sons, une célébration du cinéma. La rage avec laquelle Godard filme sur un bateau en croisière, dans un garage familial ou dans une Europe entre mythologie perdue et déréliction contemporaine une agonie mondiale où l'argent, le simulacre démocratique et la guerre détruisent l'idéal politique, ne se dégage pas d'un revers de main et s'inscrit comme une énigme dans le cerveau du spectateur. Film socialisme est le contrepoint absolu de Copie conforme, la première incursion extra-iranienne d'Abbas Kiarostami : une œuvre qui n'habille jamais son concept de départ avec de la chair et des images, mais se contente de disserter dans le vide sur le couple pour un jeu de faux-semblants qui vire, par la prestation dissonante de ses deux acteurs, à un festival de fausses notes. Loin de ce cinéma mortifère, les expérimentations sensorielles et narratives de Gaspar Noé dans Enter the void résistent à l'oubli depuis la sortie du film, tout comme elles avaient résisté près d'un an après la projection cannoise. C'est l'apanage des grandes œuvres, et il reste quelques séances pour vivre cette saisissante plongée (littérale et symbolique) dans l'esprit d'un adolescent camé à Tokyo.

L'avenir d'une illusion

Autre beau film qui n'a guère rencontré son public, Greenberg de Noah Baumbach fait revivre un esprit délicieusement 70's. Cette comédie mélancolique s'attarde sur les névroses et les paralysies psychologiques de deux inadaptés sociaux dans le milieu bourgeois et branché des hauteurs de Los Angeles. Ben Stiller et Greta Gerwig y sont tous deux bouleversants. Super-auteur japonais ayant fait fortune dans les festivals internationaux avec un cinéma pudique évoquant le deuil et la cruauté familiale, Hirokazu Kore-Eda se lance avec Air doll dans une veine fantastique et poétique séduisante dans sa première heure — où une poupée gonflable prend vie et découvre le monde en sillonnant les rues de Tokyo, assez ratée dans la seconde. Pas mauvais, mais pas emballant non plus, L'Illusionniste de Sylvain Chomet empoigne un scénario inédit de Jacques Tati pour le transformer en hommage au maître — ce qui est bien pour les fans — mais aussi en guirlande sentimentale nostalgique des années 50 — ce qui est nettement plus embarrassant… Dommage, car Chomet a affiné son trait depuis Les Triplettes de Belleville, et disperse dans son film quelques très belles idées de cinéma. Ce qui, on en conviendra, est le propre d'un auteur de films…


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