Carlos

D'Olivier Assayas (Fr, 2h45) avec Edgar Ramirez, Alexander Scheer…


Carlos témoigne de de ce qui arrive quand un cinéaste mineur (et on reste poli), au formalisme embarrassant de vanité, croise soudain un sujet en or qui non seulement transcende son cinéma, mais éclaire d'une légitimité nouvelle son style. Cette reconstitution épique et fiévreuse du parcours d'Ilich Ramirez Sanchez dit Carlos, révolutionnaire beau gosse devenu terroriste international puis spectre avachi de sa propre légende, est un vrai film d'action. Non seulement parce qu'il réserve quelques inoubliables morceaux de bravoure (le carnage de la rue Toullier, la prise d'otages de l'OPEP), mais aussi parce que les personnages sont saisis dans un mouvement perpétuel, ce que la caméra agitée d'Assayas retranscrit à la perfection. La fiction pourrait être rétrécie par ce souci factuel et cette absence de recul ; au contraire, c'est une fine réflexion sur le déclin de l'idéal révolutionnaire que le récit dessine. Le péché de Carlos, c'est d'accepter de l'argent plutôt que de se sacrifier pour la cause ; ce pacte capitaliste le condamne à l'errance, star encombrante d'une révolution dont plus personne ne veut. Le Carlos d'Assayas (et de son acteur, l'impressionnant Edgar Ramirez) vit dans un narcissisme extrême, une contemplation satisfaite de lui-même, de ses idées, de son charme et de ses excès, comme un Tony Montana du terrorisme aussi flamboyant que ridicule. La fascination qu'il exerce sur le spectateur n'exonère pas le film d'une issue morale, comme si l'ivresse procurée par cette œuvre démente devait durer jusqu'à la gueule de bois.
CC


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