Chronique d'une Biennale (1/4)

Danse / La Biennale de la danse a débuté fortissimo avec une création âpre et puissante de Catherine Diverrès et la présence revigorante et toujours inventive de Trisha Brown au Musée d'art contemporain... Jean-Emmanuel Denave


Alors que la communication visuelle de la Biennale affiche un rose optimiste et que son défilé se déroulait sous la bannière de «La vie en rose» de Piaf, la première création attendue de cette édition nous a semblé particulièrement sombre. Elle est signée Catherine Diverrès, chorégraphe née en 1959 et formée auprès de Maurice Béjart, Dominique Bagouet et Kazuo Ohno, l'un des fondateurs du butô au Japon. "Encor" (titre calqué sur celui de la Biennale) se compose (et se décompose) d'une multitude de fragments ou tableaux, cheminant en tous sens parmi l'histoire de la danse. Comme une suite de Bach. Cinq interprètes impressionnants incarnent aussi bien des danseurs en tutu échappés d'un "Lac des Cygnes", des figures baroques ou classiques, que des «primitifs» dénudés ou des citadins entamant un madison. Catherine Diverrès, avec une précision et un art du «montage» magistraux, entrelace des univers disparates, des émotions opposées, des musiques hétérogènes (de la variété au classique en passant par la voix de Godard)... Et juxtapose des personnages aux présences fantomatiques avec l'énergie pure et effrénée d'autres danseurs déboulant comme des tornades sur scène. C'est un combat non tranché entre le deuil et l'espoir, la mémoire et la renaissance, la vie et la pulsion de mort qu'a désiré chorégraphier Catherine Diverrès. Il n'empêche : une dominante sombre, une dérision toujours prête à bondir sur ses proies en mouvement, et cette façon dont les choses se brisent ou s'effacent inéluctablement, font pour nous d'"Encor" surtout une puissante vanité.Repartir à zéro
La compagnie de Trisha Brown nous a elle-aussi proposé un voyage dans le passé en reprenant plusieurs «Early Works» datant des années 1970. Un ensemble de courtes performances minimalistes où les danseurs s'adonnent à des exercices d'équilibre délicat avec des bâtons, à des solos faits d'accumulations de petits gestes simples, à des moments d'humour chorégraphique ou de défi à la gravité (marcher perpendiculairement à un arbre par exemple). La fraîcheur de ces pièces semble atemporelle et l'on pourra les revoir en vidéo dans le cadre de l'exposition "Trisha Brown" au Musée d'art contemporain. On y verra aussi beaucoup d'archives filmées (et notamment ses fameuses chorégraphies dans les parcs ou sur les toits de New York, ou encore cette vertigineuse descente d'un danseur à la verticale d'un immeuble), une reprise (le week-end seulement) de sa performance «Planes» par de jeunes danseurs du CNSMD et une quarantaine de dessins. Depuis la fin des années 1990, la chorégraphe réalise notamment des compositions au fusain en «dansant» sur de grandes feuilles de papier. Dans la ville, sur scène ou dans son atelier, Trisha Brown réinvente perpétuellement le mouvement.Exposition Trisha Brown, jusqu'au vendredi 31 décembre, au Musée d'art contemporain + Spectacle mercredi 15 septembre, au Transbordeur
On retrouvera Catherine Diverrès avec le Ballet de l'Opéra du 12 au 16 avril pour une transmission de sa pièce San.


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