Cinéma : passé, présent et futur

Festival / Quels enjeux pour la deuxième édition de Lumière, festival consacré au patrimoine cinématographique, avec comme figure centrale en 2010 le grand Milos Forman ? Début de réponses… Christophe Chabert


Une adhésion publique massive, un press book en deux volumes épais comme les pages jaunes et les pages blanches réunies, l'hystérie à chaque apparition au cours du festival de la star Eastwood… Lumière 2009 avait fait le plein, remplissant ce contrat dont la municipalité Collomb raffole depuis son arrivée : créer un grand événement populaire qui place Lyon au centre de l'attention culturelle pendant une poignée de jours. Le paradoxe le plus étrange étant que sur le papier, rien n'était gagné : la presse se désintéresse la plupart du temps du cinéma de patrimoine, le public qui va voir les reprises en salles reste un public de niche (quoique, il n'a fait qu'augmenter ces dernières années, malgré le triomphe du DVD), et même Eastwood n'avait pas déclenché une telle émeute lors de sa venue à l'Institut Lumière pour présenter "Lettres d'Iwo Jima". Du coup, comment réitérer l'exploit pour une deuxième édition que beaucoup attendaient au tournant ? Sillage
Les derniers spectateurs de la Biennale de la Danse n'auront pas même vingt-quatre heures pour reprendre leur souffle : Lumière 2010 démarre pile le lendemain, et ce n'est pas pour rien si Thierry Frémaux et Maelle Arnaud ont choisi de débuter l'événement avec un film qui, justement, fait la part belle à la musique et à la chorégraphie, "Chantons sous la pluie" de Stanley Donen. Car si Lumière parle d'un cinéma ancien (définir ancien), il tient à en parler au présent. Donen, parmi les doyens des cinéastes ayant travaillé à l'âge d'or des studios hollywoodiens, sera donc au milieu des nombreux invités du festival pour ouvrir cette semaine de projections intense (plus de 70 films à voir…). En revanche, Alain Delon, d'abord annoncé en tant qu'«invité d'honneur», a finalement déclaré forfait, laissant à la belle Claudia Cardinale le soin de terminer le festival en présentant la projection du "Guépard" de Visconti. Forman
L'absence de Delon laisse donc toute la place qu'il mérite à Milos Forman, lauréat du deuxième Prix Lumière, décision judicieuse qui donne au festival une couleur encore plus cinéphile que l'an passé. C'est surtout la garantie d'une vraie présence de Forman pour accompagner la rétrospective intégrale de ses films, débordant la grande soirée qui lui sera dédiée à la Salle 3000 le samedi soir. Ce choix de récompenser un auteur plutôt qu'un acteur (une piste qui aurait été un temps envisagée, paraît-il) crédibilise aussi le festival, laissant de côté la tentation de la star et du people (qui, de toute façon, ne se déplace plus guère : cf Cannes, Deauville, Venise, etc.). Marché
La postérité et le succès d'un festival de cinéma se mesure certes à l'engouement qu'il suscite auprès du public, mais aussi à sa capacité à aider les films à exister en dehors de l'événement. Sur ce point, la première édition de Lumière avait mis un peu de temps à porter ses fruits. Mais au bout de quelques mois, les copies neuves de certains Don Siegel ont fini par être distribuées nationalement, et Carlotta, distributeur spécialisé dans le cinéma de patrimoine, a profité de l'éclairage porté sur l'œuvre de Leone pour ressortir avec succès les grands westerns du maître. Plus intéressant encore : là où en 2009 le festival avait dû la plupart du temps se contenter des masters neufs tirés pour l'édition Blu-Ray en matière de projection numérique, Lumière 2010 tire déjà profit d'une nouvelle politique chez les grands studios français que sont Pathé, Gaumont et Studio Canal. Ils présenteront des transferts sur DCP (Digital Cinema Package) des films de leur catalogue. Quelle différence ? Une meilleure qualité de projection, d'abord ; mais surtout le signe d'une prise de conscience… Le cinéma de patrimoine a un avenir en salles, et non plus seulement en vidéo, et le coût supplémentaire d'une copie HD sera sans doute amorti avec le passage rapide des salles au numérique. Comme si Lumière, dont l'idée remonte à maintenant près de cinq ans, était né au bon moment, celui où une technologie nouvelle permet à un public, nouveau lui aussi, de se réapproprier dans les meilleures conditions une Histoire vivante du cinéma. Lumière 2010
Du 4 au 10 octobre.


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