Passer l'amour à la machine


Théâtre / Le début de la saison théâtrale à Lyon se nourrit de textes qui ne sont pas destinés a priori à être portés sur les planches : Jean-Louis Trintignant avec les poèmes de Desnos, Vian et Prévert ; Sami Frey avec "Premier amour" de Beckett et, actuellement, au théâtre des Ateliers, les "Fragments du discours amoureux" de Roland Barthes. Le sémiologue et penseur décrypte les sentiments qui se déclenchent pendant un rapport amoureux. Il le fait de manière très théorique dès l'entame du spectacle : une voix-off donne la définition du "discursus" (action de courir ça et là). Parfois cela est amené de manière plus humoristique comme lorsque Barthes théorise l'attente et en donne ses répercussions dans le temps (celui qui attend reproche à celui qui est attendu sa négligence quant à l'horaire de rendez-vous convenu ensemble) puis, dans un troisième temps, d'angoisse (lui serait-il arrivé quelque chose de grave ?). Sur scène, deux comédiens, dont le metteur en scène Arnaud Churin, sont la voix de Barthes. Ils se renvoient le texte comme un ping-pong et construisent un couple hybride. Les quelques éléments de décor ne sont même pas nécessaires à la compréhension, ni à leur jeu. Ils évoluent en parfaite connivence, à peine troublé par la présence d'une danseuse qui temporise le spectacle en montrant des cartons au public. Entre la logorrhée des uns et le silence de l'autre, «Fragments d'un discours amoureux» témoigne surtout de la solitude de chacun et se révèle être logiquement une ode au langage correspondant pour Barthes à l'adulte civilisé quand, par opposition, le corps est qualifié «d'enfant entêté».
Nadja Pobel"Fragments d'un discours amoureux",
Au Théâtre Les Ateliers, jusqu'au samedi 16 octobre.


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