My joy

De Sergey Loznitsa (Russie-Ukraine, 2h07) avec Victor Nemets, Olga Shuvalova…


My joy est un film d'impasses, de carrefours et de virages. Il y a une route qui ne mène nulle part, un nulle part bloqué dans un cercle temporel qui le maintient en dehors du monde. Il y a un poste-frontière que l'on franchit une fois au début, une fois à la fin, mais qui ressemble à un simulacre où les douaniers font semblant d'être des douaniers. Il y a des personnages qui tournent en rond et un cinéaste qui s'amuse à verser le spectateur dans le fossé à intervalles réguliers. Le temps de reprendre ses esprits, on ne sait déjà plus qui est qui, combien de temps s'est écoulé, si on est avant ou après l'accident, engourdi par cette manière pour le moins iconoclaste de raconter une histoire, des histoires, mais aussi l'Histoire, celle de l'Ukraine et de la Russie. Comprenne qui pourra ; on est bien incapable de dire où Loznitsa veut en venir. En revanche, une chose est certaine : nous sommes face à un sacré metteur en scène dont le geste est d'une grande liberté, qui confectionne des moments de pure sidération visuelle, des gags très noirs, des blocs de cinéma assez excitants qu'on a du mal à coudre ensemble. Même quand on s'ennuie (et on s'ennuie parfois, sinon souvent), quelque chose imprime la rétine dans My joy, fragments arrachés à une œuvre en roue libre.

Christophe Chabert


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