Le Symbolisme en quête d'idéaux

Expo / Le Musée Dini consacre une exposition au Symbolisme réunissant 240 œuvres d'une trentaine d'artistes régionaux. Artistes pour qui le monde ne saurait être réduit à ses apparences sensibles. Jean-Emmanuel Denave


Au naturalisme de Zola, au réalisme de Courbet, à l'esprit scientiste ou matérialiste de la fin du XIXe siècle, les symbolistes opposèrent leur idéalisme, leur spiritualité ou leurs principes tapis parmi l'ombre des choses concrètes... Avec eux, une forêt se transforme en bois sacré, une femme en figure idéale ou fatale, un visage aux yeux clos en allégorie de la pensée. Le mouvement naît officiellement en 1886 sous la plume de l'écrivain Jean Morréas, auteur d'un manifeste symboliste. En fait, il s'agit d'une nébuleuse (littéraire, artistique et musicale) difficile à cerner précisément, qui plonge ses racines dans les œuvres de Poe, Husymans ou Baudelaire, et s'étend ou flirte avec le spiritisme, le démonisme, le mysticisme, le renouveau catholique. «Ce que les symbolistes montrèrent, c'est simplement que la lucidité est un acte difficile», tranche durement Yves Bonnefoy. Au-delà de propos parfois fumeux ou de personnages illuminés tel le Sâr Joséphin Péladan (1859-1918), le mouvement est tellement pluriel qu'il rassemble aussi des créateurs aux œuvres étonnantes, séduisantes ou plastiquement fortes.Troubles faits
L'exposition du Musée Paul Dini décline plusieurs thématiques symbolistes et présente une trentaine d'artistes (sculpteurs, peintres, graveurs, dessinateurs) ayant un lien proche ou lointain avec la région Rhône-Alpes. Son accrochage est simple, clair, et ne prétend évidemment pas à l'exhaustivité. Il débute avec Pierre Puvis de Chavanne qui, malgré son refus d'y être assimilé, est considéré comme l'un des artistes fondateurs du Symbolisme. On découvre quelques études (souvent destinées à des peintures de décors), dessins ou toiles, marquées par le classicisme et l'idéalisation des figures. Le parcours se poursuit avec une salle consacrée au fameux Péladan organisateur de salons symbolistes à Paris, puis d'autres dédiées aux thèmes de la vanité, des mythes et légendes, des paysages, du Wagnérisme... On apprend beaucoup et on «picore» ici et là des œuvres qui éveillent notre curiosité ou notre sensibilité. Ce sont par exemple les nus féminins sombres et inquiétants (proches de Munch) du Lyonnais Pierre Combet-Descombes, ou ses paysages trop verts pour être vrais et du coup assez troublants. La série de gravures macabres de Marcel Roux où la mort s'invite au bistrot, au milieu d'un couple s'étreignant, aux côtés d'une pianiste ou dans bien d'autres situations de la vie quotidienne. "Les Filles du Rhin" de Gaston Bussière ou les "Vierges sculpturales" de Maurice Chabas... Lorsqu'ils ne se perdent pas dans leurs croyances, les symbolistes interrogent plus humblement la réalité, par la suggestion ou l'étrangeté, et y ajoutent un peu de trouble.Le Symbolisme & Rhône-Alpes
Au Musée Paul Dini (Villefranche-sur-Saône), jusqu'au dimanche 13 février.


<< article précédent
Bernard Plossu, Then and now, L'Ouest américain