Le bis en abyme

L'Épouvantable bis du trimestre à l'Institut Lumière s'intéresse à deux exceptions dans le désert du fantastique européen des années 80 : "Bloody bird" et "Angoisse", qui soufflaient avec intelligence sur les braises du genre en Italie et en Espagne. CC


Dans les années 80, le giallo italien et son maître, Dario Argento, commencent à avoir la jaunisse, tandis que Fulci et Bava passent l'arme à gauche (malheureusement, le fils du dernier reprend le flambeau et réalise des nanars honteux) ; en Espagne, la fin du franquisme laisse le champ libre à la movida et à son apôtre cinématographique, Pedro Almodovar. Ces deux pays, pourtant à la pointe du cinéma de genre européen dans les années 60 et 70, vivent sur ce passé déjà lointain. C'est dans ce contexte que Michele Soavi (un ancien assistant d'Argento) et Bigas Luna (connu jusqu'alors pour des comédies trash façon John Waters ibérique) vont signer deux films parmi les plus notables d'une période sinistrée. Avec "Bloody Bird", Soavi fait renaître le giallo (comme il redonnera, des années plus tard, ses lettres de noblesse au polar transalpin avec "Arrivederci amore ciao"). S'il en reprend le principe (un tueur invisible massacre des gens), il procède à une pertinente mise en abyme : le tueur s'est réfugié dans un théâtre où une troupe répète une comédie musicale (ringarde, à moins que ce ne soit typique du mauvais goût 80's !) sur un tueur en série déguisé en chouette (enfin, avec un gros masque de hibou…). Et c'est parti pour une heure trente de suspense macabre, d'inventivité graphique dans la succession des meurtres, et de moments de poésie visuelle inhabituelle dans ce type de cinéma. Notamment le finale sous la neige artificielle, où les morts sont regroupés dans un tableau autrement plus beau que ceux créés par l'imbuvable metteur en scène (qui finira, bien fait pour lui, découpé à la hache par l'assassin).

Regarde le tueur tuer

Avec Angoisse, Bigas Luna procède aussi à un jeu de poupées russes franchement vertigineux. Un fou (le flippant Michael Lerner) vivant avec sa mère naine s'introduit dans un cinéma pour mutiler les yeux des spectateurs. Mais au moment où il pénètre dans la salle, Luna élargit son cadre ; on découvre alors que ce que l'on voit à l'écran n'était qu'un film dans le film. Pervers, le cinéaste va faire entrer un deuxième tueur dans le cinéma où l'on regarde le tueur en train de décimer les spectateurs de la première fiction. Vous suivez ? Qu'importe ! Le film est si efficace qu'il n'est pas impossible qu'à un moment ou un autre vous ne vous retourniez pour vérifier s'il n'y a pas un cinglé maniant le couteau, le rasoir ou la hache derrière vous. Précision importante : le film de Luna a été tourné dix bonnes années avant "Scream 2". De là à dire que Craven a copié…


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