Quand le métro s'affiche

Expo / Au début du XXe siècle, des affichistes anglais ont exposé leurs chromolithographies sur les murs du métro londonien. Ils inventent alors la communication institutionnelle sous forme d'«art pour tous», selon la dénomination de la très instructive exposition du musée de l'imprimerie. Nadja Pobel


Avec une exposition sous-titrée «promenade graphique au cœur des transports britanniques», on pouvait craindre de découvrir une rétrospective destinée aux seuls aficionados des transports. Or, en s'ouvrant à la communication graphique, et en allant au-delà de l'histoire du livre et de l'estampe, le Musée de l'imprimerie pointe en fait un large pan de ce nous voyons encore actuellement et quotidiennement dans les couloirs du métro, à commencer par le plan des transports. En 1931, Harry Beck dessine des plans avec des lignes verticales, horizontales et des angles à 45 degrés. Il invente une nouvelle géographie qui n'est plus calquée sur les distances réelles. Beck schématise. Il situe l'usager par rapport au réseau et non plus par rapport à la situation en surface. Ces plans en couleurs sont, depuis, devenus la "norme" internationale. Autre apport graphique de cette époque qui subsiste aujourd'hui : le logo du métro londonien (cercle rouge barré de bleu), symbole de la ville au même titre que les bus à double étage. Art et commerce
L'homme orchestre de cette révolution graphique est Franck Pick, juriste et instigateur des campagnes d'affichage du métro londonien. Entre 1923 et jusqu'à la veille de son décès en 1941, il standardise l'affichage du métro en donnant carte blanche (mais en les surveillant de près) à des artistes modernistes qui ne travaillent plus seuls mais en groupe. Il engage aussi – fait rare à l'époque – de nombreuses femmes et s'appuie sur des fauvistes comme Saint-Albans, des cubistes ou des artistes inspirés par Van Gogh ou Duchamp. Pick crée ainsi un art commercial. «Les années 30 furent l'époque où le lien entre l'artiste des beaux-arts et l'artiste commercial fut le plus fort», analyse une des critiques d'art de l'époque, Susan Lambert. Le métro devient un lieu d'exposition pour le grand public ; les affiches, fraîchement sorties des imprimeries, sont commentées par la presse. Elles ne contiennent pas de slogan mais incitent les habitants à emprunter les transports en commun comme cette œuvre de Henrick, datant de 1932, figurant un arbre de Noël sur lequel les bougies ont été remplacées par des panneaux de stations de métro. Avec le recul, ces affiches ont également une valeur historique, témoignant du développement des loisirs de la classe moyenne (en vantant les stations balnéaires toutes proches de Londres) et du bouleversement urbain avec la création des banlieues pavillonnaires (voir les affiches presque bucoliques sur Wimbledon ou Kensington).«Art pour tous»
Au musée de l'imprimerie, jusqu'au dimanche 13 février.


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