Mardi, après Noël

De Radu Muntean (Roumanie, 1h39) avec Mimi Branescu, Mirela Oprisor…


Loin des images récentes du cinéma roumain avec ses pauvres en pulls troués se débattant dans un pays qu'on croirait juste sorti de l'ère Ceaucescu, "Mardi, après Noël" raconte un adultère chez les parvenus de Bucarest. Ils vivent dans de grandes maisons design, ont des Iphone, leur préoccupation principale est d'acheter des cadeaux aux gosses pour Noël et l'époux a une maîtresse plus jeune, blonde et bohème (mais orthodontiste quand même !). Pour enfoncer le clou, Muntean (déjà auteur de deux films forts, "The Paper will be blue" et "Boogie") substitue à l'habituelle caméra à l'épaule roumaine de longs plans-séquences rigoureusement travaillés dans un scope implacable, qui amplifie de manière bergmanienne les gestes les plus anodins. "Mardi, après Noël" n'est-il alors qu'un drame bourgeois dont l'exotisme serait, justement, de ne pas l'être ? Non, car Muntean développe un regard cruel et coupant sur ce monde où l'homme pense avoir tous les droits puisqu'il est celui qui possède. Son absence de culpabilité, sa manière de créer des situations humiliantes pour son entourage et sa capacité à se sentir partout chez lui révèlent un mâle d'autant plus lâche qu'il est inconscient de sa lâcheté. L'explosion finale le remettra-t-il à sa place ? Pas sûr… Impeccablement interprété, d'une vérité constante dans sa peinture des rapports humains, "Mardi, après Noël" ouvre une nouvelle voie, passionnante, pour le cinéma roumain.
CC


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