Dans le rouge


Musique / Si Émile Zola était encore de ce monde et si on lui donnait l'occasion de mettre l'oreille sur un disque de The Redneck Manifesto, nul doute qu'il se fendrait d'un remake de son célèbre «J'accuse... !». Car c'est d'abord un sentiment d'indignation que procure l'écoute des albums de ce combo empruntant son nom à un roman de Jim Goad, qu'il s'agisse du séminal et brut de décoffrage «Thirtysixstrings» ou du petit dernier, le nuancé et tardif (six ans de gestation !) «Friendship». Indignation qu'il ne soit pas considéré comme l'égal de Mogwai, Explosions in the Sky, Slint, Tortoise ou Godspeed You! Black Emperor, entre autres formations ayant donné ses lettres de noblesse au rock instrumental. Ceci étant, ces Irlandais ne sont pas les plus à plaindre : ce n'est déjà pas rien d'être labellisé «culte» depuis maintenant une douzaine d'années dans ce milieu de girouettes qu'est celui de la musique indépendante, d'être assez révéré pour jouer à guichets fermés et maintenir à flots sa propre structure de production. Mais quel est donc leur secret ? Tout d'abord, l'intrépidité de leur écriture, à l'origine de morceaux à la fois cérébraux et entraînants, abrasifs et nuancés, façon Steve Reich sous l'influence de cachetons colorés et sous la houlette d'un autre Steve de génie (Albini, matheux-bruiteur en chef de Shellac). Ensuite, leur opiniâtreté, celle-là même qui les a amenés à jouir de la toute puissance du bouche à oreille et à se tailler dans l'intervalle une solide réputation scénique. Conclusion : ne manquez pas leur passage au Sonic en compagnie des folkeux aphones de Crëvecœur. BMREDNECK MANIFESTO + CRËVECOEUR
Au Sonic, samedi 11 décembre
«Friendship», Richter Collective.


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Il vient de là, il vient du blues