Nos petites bulles - Janvier 2011

Chaque mois, la sélection BD du Petit Bulletin. Janvier 2011 : où il est question d'une expérience médicale discutable, d'un mort-vivant en culottes courtes, du meurtre d'un bedonnant barbu, d'un super mec qui ne sent plus trop super et d'une célèbre famille de canards. Voici les BD qui ont retenu notre attention le mois dernier. Benjamin Mialot


Succube (Manolosanctis)
Scénario et dessin : Succube

Noël oblige, décembre a presque exclusivement été rythmé par la sortie d'intégrales et rééditions en tous genres. Presque, quelques confiseurs ayant courageusement foulé au pied la traditionnelle trêve. C'est notamment le cas de Manolosanctis, l'éditeur participatif qui monte, qui monte, qui monte et au 16 rue du Garet, nous lui en sommes gré. Parce que Succube, non content d'être un titre intéressant, est l'œuvre d'un petit gars bien de chez nous, Renart, loué l'an passé dans nos colonnes de papier pour Base Neptune. Oubliez la science-fiction bleutée de ce dernier, Succube verse dans le thriller ésotérique en contant en parallèle l'enquête du dénommé Lorenzo Panama, bien décidé à faire la lumière sur le «suicide» de l'un de ses amis, et une expérience médicale bien chelou qui, vingt ans plus tôt a fait d'une jeune autiste une monstrueuse créature. Joliment lovecraftien, tant sur le plan narratif que sur le plan graphique, l'album conforte Renart dans sa position d'auteur à suivre. Attention par contre, c'est un tome 1 et ce n'est précisé nulle part.Macchabée Strips (Ankama)
Scénario et dessin : Matthieu Hackière

Oh le bel objet que voilà. N'est-il pas craquant, ce petit bouquin d'ébène en forme de cercueil ? Oui madame, et son protagoniste principal n'est pas en reste avec sa dentition morcelée, son teint de pastille Vichy et son petit costume de schoolboy bien propret. Billy Bones, c'est son nom, et s'il est aussi palot, c'est parce qu'il est à la fois mort et vivant. Une situation délicate à la source de gags tous plus cracras et décalés les uns que les autres : bonne fée gazée à l'insecticide, chien zombie jouant au bilboquet avec l'un de ses yeux, accident d'escalator... Souvent amusant, parfois convenu, Macchabée Strips rappellera jusque dans sa bichromie rondouillarde des souvenirs aux lecteurs de Lenore, des cultissimes (mais jamais traduits en France, scandale) Squee! et Johnny the Homicidal Maniac et de La Triste histoire du petit enfant huître de Tim Burton. Sans doute trop, mais vous savez ce qu'on dit : quand on aime...L'Assassinat du Père Noël (Glénat)
Scénario : Eric Adam et Didier Convard (d'après Pierre Véry) Dessin : Paul

Rassurons nos jeunes lecteurs, ce n'est pas le véritable Père Noël dont il est question ici, ni dans le roman de Pierre Véry dont est tiré cet album. D'ailleurs, autant vous éviter une foudroyante désillusion : le Père Noël n'existe pas, pas plus que la Petite souris et les chaussures de qualité à moins de 100€. Mais revenons à notre livreur de cadeaux retrouvé sans vie : il s'agit en fait du père Cornusse, et c'est lui qui devait revêtir le fameux bonnet rouge dans le cadre de la traditionnelle fête costumée du village de Mortefond. Vous avez dit rocambolesque ? Ce n'est qu'un début, ce mystérieux assassinat constituant le point de départ d'un sympathique polar rural. Sauf qu'ici, point d'Inspecteur Barnaby à l'horizon, mais un binoclard à la stabilité nerveuse toute relative, sorte de Jérôme K. Jérôme Bloche aux nerfs tendus comme des cordes à linge. Récit et dessin sont à son image : bizarrement rigides mais indéniablement fascinants.Superman – Pour demain (Panini Comics)
Scénario : Brian Azzarello Dessin : Jim Lee

Dans notre sélection précédente, nous vous avons témoigné du profond respect que nous entretenons à l'égard du travail de Jim Lee sur Batman : Silence. Rebelote pour ce premier assortiment de BD de l'année 2011, à deux différences de taille près : le justicier masqué de Gotham City laisse ici sa place à Superman et le scénariste Jeph Loeb la sienne à Brian Azzarello. Réputé pour le machiavélisme et la brutalité de ses polars (100 Bullets en tête), Azzarello signe avec Pour demain une parabole étonnamment intimiste, le rescapé de Krypton, tel un messie en pleine traversée du désert, s'y interrogeant sur la légitimité de son statut de héros suite à la disparition subite de plusieurs millions de personnes (dont l'élue de son cœur, Lois Lane). Une subtilité qui n'exclue pas quelques bonnes bastons pas piquées des hannetons. Autant dire qu'entre ce matériau et le style flamboyant du père Lee, Pour demain compte parmi les productions les plus excitantes de la maison DC Comics, dont on fêtait les 75 ans de «mythmaking» l'hiver dernier.L'événement du moisLa Dynastie Donald Duck – Tome 1 (Glénat)
Scénario et dessin : Carl Barks

«Ça y est, ils ont définitivement perdu la boule au Petit Bulletin, ils vont bientôt nous avouer que Picsou Magazine est l'hebdomadaire le plus avant-gardiste de tous les temps». Si c'est la première phrase qui vous est venue à l'esprit, inutile de nous écrire. Déjà parce qu'on était plutôt Journal de Mickey, mais surtout parce qu'on parle de Carl Barks, là tout de même ! Le type qui a troussé les histoires les plus mémorables de Donald et sa famille de palmipèdes abonnés à l'aventure et aux gaffes. C'est bien simple, tous les personnages les plus iconiques de Duckville sont nés de sous son crayon: le chanceux cousin Gontran, les impayables Rapetou, le cupide Picsou et ses indécrottables rivaux Gripesou et Flairsou, la maléfique Miss Tick... A ce conteur hors pair, Glénat rend le plus beau des hommages en débutant la publication d'une intégrale éditorialement parfaite, ne serait-ce parce que les travaux de Barks y sont compilés par ordre chronologique. Le premier tome (sur vingt-quatre !) s'intéresse ainsi aux années 1950 et 1951. Indispensable.


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