La Malédiction Hilliker

James Ellroy Rivages


Moins d'un an après "Underworld USA", pavé à l'ambition démesurée concluant une trilogie qui n'est pas ce qu'Ellroy a produit de meilleur, revoici l'auteur du "Dahlia noir" avec une œuvre inattendue : le deuxième volet de son autobiographie après le fabuleux "Ma part d'ombre". Les premières pages, d'ailleurs, reviennent littéralement sur les lieux du crime, celui de la mère d'Ellroy, Jean Hilliker. Cette scène traumatique, que le romancier cherchait à élucider dans "Ma part d'ombre", devient ici une «malédiction» qui s'abat sur toutes les femmes rencontrées au cours de sa vie chaotique. Tel James Stewart dans "Vertigo", James Ellroy cherche à incarner le fantôme de sa mère à travers ses compagnes, vivant avec des souvenirs d'adolescence (une femme croisée à une laverie automatique, une autre rencontrée dans un train) qu'il espère voir se matérialiser au gré de ses turpitudes de jeune homme à la dérive, d'apprenti écrivain et de bête de scène littéraire. C'est donc un grand livre romantique, mais sans aucune naïveté, Ellroy renversant sur son autoportrait le même vitriol qu'il envoie sur ses personnages de fiction. La franchise avec laquelle il décrit ses névroses et ses obsessions évite toute complaisance ; le but est de disséquer en médecin légiste du cœur la source d'une incapacité à aimer et à être aimé malgré les torrents d'amour qui débordent sans cesse de ce drôle de type, mystique de droite s'éprenant d'intellectuelles de gauche et de femmes mal mariées. CC


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Happy hours anglaises