«On vit une époque de Restauration»

Entretien / Laurent Pelly, ancien directeur du Centre dramatique national des Alpes et metteur en scène talentueux présente au Théâtre de la Croix-Rousse «Mille Francs de récompense» de Victor Hugo. Propos recueillis par Dorotée Aznar


Petit Bulletin : Victor Hugo n'a pas souhaité monter «Mille Francs de récompense» de son vivant. Pourquoi choisissez-vous de mettre en scène cette pièce ?
Laurent Pelly : Hugo n'a pas voulu monter cette pièce car le régime qui l'avait envoyé en exil était encore en place. Puis cette pièce est tombée dans l'oubli et n'a été créée qu'en 1966, soit cent ans après avoir été écrite. Depuis, elle a été montée à plusieurs reprises. Concernant mon choix, cela correspond au travail que je mène au TNT (Laurent Pelly est co-directeur, avec Agathe Mélinand, du Théâtre National de Toulouse Midi-Pyrénées (TNT) depuis 2008, NdlR), c'est-à-dire une volonté de montrer des pièces tout public, dans une grande salle. Je voulais un texte entre la comédie et le drame, même si «Mille Francs de récompense» est clairement une comédie.Au-delà de cette pièce en particulier, avez-vous découvert un auteur ?
C'est essentiel d'entendre du Victor Hugo aujourd'hui : son intelligence, sa vision de l'humain fait froid dans le dos car en fait, les choses n'ont pas beaucoup évolué… Mais l'humanisme d'Hugo est vital ! Je n'avais jamais travaillé sur Hugo avant et j'ai aujourd'hui envie de monter tous ses textes.Comment expliquer-vous le succès que vous avez rencontré avec cette pièce ?
Je pense que c'est lié à ce qui est dit dans la pièce, et à la façon dont s'est dit : que ce soit la corruption, la misère, l'injustice sociale, la délinquance…N'y a-t-il pas une forme de naïveté dans cette pièce ?
Non, c'est de la fausse naïveté. Hugo utilise une forme mélodramatique, extrêmement populaire à l'époque et la «tord» pour la rendre subversive et critique. On n'utilise plus beaucoup cette forme aujourd'hui au théâtre et même Hugo s'en moque un peu. Pourtant, le mélo fonctionne particulièrement bien au cinéma, à la télévision… Si on s'en sert de manière un peu parodique, je pense que cette forme est très forte et que la pièce propose un suspense quasi policier !La pièce parle d'une époque très précise, la Restauration, et pourtant, elle semble trouver un écho très fort aujourd'hui…
Je crois que l'on vit actuellement une époque de Restauration…

Mille Francs de récompense
Au Théâtre de la Croix-Rousse, du vendredi 4 au samedi 19 février


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