Prophète en son pays


Événement / Il y a quelques semaines, Alex de la Iglesia claquait bruyamment (mais avec classe) la porte de l'Académie des sciences et des arts cinématographiques d'Espagne, en désaccord avec une partie de la profession sur l'équivalent ibérique de la loi Hadopi, qu'il jugeait liberticide. Manière de rappeler que le réalisateur du très punk "Action mutante" n'avait rien perdu de sa gnaque, malgré les succès publics et son tout récent triomphe à la Mostra de Venise avec son dernier film, "Balada triste de trompeta", qui y a obtenu le prix du scénario et le prix de la mise en scène. Il était temps de reconnaître le travail du cinéaste à sa juste valeur, c'est-à-dire non pas comme un geek officiant dans le cinéma de genre, mais comme un incroyable inventeur de formes et de récits, un des plus créatifs du cinéma européen contemporain. "Le Jour de la bête", "Perdita Durango", "Mort de rire", "800 balles" ou "Le Crime farpait" traduisaient une montée en puissance pour De la Iglesia, passant du rire potache à une réflexion caustique sur l'Histoire espagnole, ancienne ou récente, où le triomphe du consumérisme et l'oubli d'une culture populaire à la sincérité fondamentale se mariaient dans un même triomphe du mercantilisme et de l'argent-roi. Avec "Balada triste de trompeta", De la Iglesia fait un pas supplémentaire dans cette direction, en retournant à l'époque du franquisme pour suivre la rivalité entre un clown et le chef du cirque dans lequel il travaille. On retrouve un motif déjà présent dans le génial "Mort de rire" : comment, derrière le spectacle et l'humour, peuvent se cacher des rapports de force et de domination allant jusqu'à la violence et l'extermination. Surtout, De la Iglesia semble faire exploser les rassurantes catégories critiques film de genre / film d'auteur, dans une œuvre qui s'annonce furieuse, expressionniste et visuellement éclatante. Sa projection aux Reflets est un événement, d'autant plus que le film attend toujours une date de sortie en France.

Balada triste de trompeta
Au Zola, samedi 26 mars à 20h45


<< article précédent
¡ Caramba ! Un festival…