Arlt là !


Musique / Qu'on y voit une forme d'ironie chantante ou d'esthétique du décalage, il y a actuellement un courant dans la chanson française qui prend un malin plaisir à tourner sept fois la langue jusqu'au creux de nos oreilles. À nous faire des noeuds au cerveau pour accoucher d'une poésie stoïque dont on ne sait trop s'il faut en rire (courant Constance Verluca), en pleurer (courant Bertrand Belin) ou en rester coi (courant Verone). Et puis il y a Arlt, duo mixte parisien, qui dès son patronyme, la torture, la langue, lui fait racler la gorge mais pour s'assombrir la voix (essayez-vous verrez : «Arrrllllt») ; appelle son album "La Langue", ce qui, posé comme ça, ressemble plus à l'évocation du plat le plus honni des cantines françaises qu'à un moyen d'expression. C'est ainsi qu'oscille sans cesse l'album : une sorte de petite terreur lo-fi («je n'en ai pas l'air, mais je te jure que je hurle»), de malentendu low-profile, où il est question de manger de la terre ou de boire l'eau des fleurs, de rouille, de dents, de fous rires déclenchés par des oiseaux morts. On dirait un peu Les Innocents bourrés qui chanteraient du Brassens, bourré lui aussi. Ou du Henri Dès en rehab'. Ou la traduction dans la langue de Zaz des œuvres complètes et auto-dépréciatives du grand maître de la lose lo-fi, Lou Barlow. Ou la résurrection de feu le label Lithium (Diabologum, Dominique A). C'est à la fois minimaliste et baroque comme des haïkus cocus, moyenâgeux, blues et terreux. Et avec ça, le duo ouvre aux States pour The National. Un peu comme si la première partie d'un concert de rock de stade se déroulait dans les vestiaires. Stéphane DuchêneArlt
À l'Epicerie Moderne
Jeudi 24 mars
«La Langue» (Almost musique)


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Le retour du blaireau