Tous paranos


Cinéma / Depuis quelques années, la programmation cinéma de Quais du polar à l'Institut Lumière brille par sa pertinence et son éclectisme, permettant de revoir des films soigneusement choisis (et présentés par des auteurs présents au festival). Cette année, on ne peut que conseiller ces deux grands classiques que sont "Règlement de comptes" de Fritz Lang et "Les Fantastiques années 20" de Raoul Walsh, mais on s'arrêtera tout particulièrement sur deux œuvres assez récentes qui sont aussi deux antipodes de la planète polar. Moins d'un an après sa disparition, on pleure toujours Claude Chabrol, tant son ironie salutaire et ses mises en scène précises manquent dans un cinéma français qui s'enfonce, semaine après semaine, dans le ridicule industriel. "Poulet au vinaigre", où il inventait la figure pérenne de l'inspecteur Lavardin (magistralement campée par Jean Poiret), va réveiller cette nostalgie-là. Une affaire de crime, de facteur indiscret et de notables louches vire, sous la caméra de Chabrol, à un jeu de massacre jubilatoire envers les mœurs de la bourgeoisie provinciale. La présence, érotique et trouble, de Pauline Laffont, et celle, gauche et crédible, d'un Lucas Belvaux pas encore cinéaste à l'époque, contribuent à faire de "Poulet au vinaigre" une œuvre témoin d'un cinéma français populaire et intègre tel qu'il existait encore dans les années 80. Populaire, intègre et même avant-gardiste : des qualificatifs qui s'appliquent à merveille aux grands films tournés par Alan J. Pakula dans les années 70. "Les Hommes du Président" ont immortalisé ce cinéma de la paranoïa lié aux questions qui torturaient la société américaine après l'assassinat de Kennedy et le Watergate ; mais "À cause d'un assassinat" en posait toutes les bases. Le film s'offre comme une relecture des théories conspirationnistes nées des zones d'ombres autour de la mort de Kennedy. Mais l'enquête menée par Warren Beatty pour démonter la thèse officielle débouche sur une vérité beaucoup plus monstrueuse. La mise en scène de Pakula fait de chaque plan une source d'inquiétude, ce que la révélation du complot viendra légitimer : la manipulation d'"À cause d'un assassinat" est d'abord une question d'images et de montage, comme si le mal était dans le fruit, ou plutôt dans le film. Une leçon magistrale pour une œuvre fascinante.
CC

Quais du Polar à l'Institut Lumière
Vendredi 25, samedi 26 et dimanche 27 mars.


<< article précédent
Claude Arnaud, deuxième