Anticodes, mode d'emploi

Spectacles / Anticodes, festival de création itinérant qui se déroule à Brest, Lyon et Paris, a pour ambition de favoriser la rencontre entre les langages de l'art contemporain et le grand public. À Lyon, la deuxième édition de cet événement se déroule aux Subsistances, du jeudi 31 mars au dimanche 3 avril. Zoom sur quelques créations qui seront données à voir. Jean-Emmanuel Denave & Dorotée Aznar


«Le rythme, c'est la plus primitive expression symbolique du désir, voire de la vie, puisque le premier germe de la vie est énergie palpitante», écrit le psychanalyste J.D. Nasio. «Drama per musica», la création des chorégraphes Séverine Rième et Alexandre Roccoli inspirée du genre lyrique éponyme datant du XVIIe siècle, part tout simplement du son, du rythme, de ses syncopes ou de ses nappes progressives pour une dérive des corps et des décors. Trois interprètes manipulent la machinerie théâtrale (câbles, cordages, etc.), et tracent parallèlement leurs sillons ondulatoires et singuliers sous le signe de la vague, de la traversée... La bande-son rend hommage à cette musique rythmique qui a marqué aussi bien la littérature que la danse et la culture techno : le célèbre poème Howl d'Allan Ginsberg, fer de lance de la Beat Generation, le jazz de la même époque, la techno de Détroit et jusqu'à l'univers expérimental de la célèbre Dj Berlinoise Ellen Allien et son label Bpitch Control... Bref, «Drama per musica» s'annonce comme un trip, où il s'agira sans doute moins de réfléchir que d'expérimenter et de sentir.Nouveau cirque, nouveau théâtre
Autre trip, dans le domaine du cirque cette fois-ci : celui tout en rebondissements et folle énergie de la compagnie finlandaise Aereo & Race Horse où quatre acrobates bondissent de trampolines en mâts chinois, en passant par quelques gros ballons en plastique et pneus de voitures. Intitulée «Petit mal», la pièce se veut purement jubilatoire, pur plaisir de la vitesse, de la virtuosité, avec ici et là quelques mouvements de hip-hop ! Chez le circassien Camille Boitel, le corps et le mouvement sont davantage mis au service d'une recherche existentielle, d'un sens social, d'un point de vue (même un peu brut) sur le monde d'aujourd'hui. Six interprètes évoluent entre équilibre et déséquilibre au milieu d'un invraisemblable bric-à-brac d'objets de récupération. Il sera question dans «L'Immédiat» de réactions réflexes face à l'urgence et à la violence du quotidien, de désordre impulsif, ou au contraire d'abandon et d'absence de volonté... Beaucoup plus tragique, le Big Dance Theatre venu de New York s'empare de l'Alceste d'Euripide (la fameuse épouse du roi Admète qui se sacrifie par amour pour lui et part aux enfers à sa place) pour l'adapter à notre époque, et surtout le mettre en scène à la sauce si singulière de la compagnie : un étrange et très fragmenté mélange de théâtre, de danse, de vidéo et de musique...Rencontre de plein de types
Si Anticodes est un moment privilégié pour mélanger les genres, c'est aussi l'occasion de permettre à des équipes artistiques d'imaginer des collaborations artistiques. Ainsi, le jeune collectif lyonnais ildi ! eldi qu'on avait découvert avec Vice-Versa et qui propose un théâtre joyeux et décalé a-t-il rencontré le metteur en scène et chorégraphe américain Dan Safer et sa compagnie Witness Relocation. De cette «union» naît le spectacle «Heaven on earth», drôle d'objet théâtral qui ne gagnerait rien à être résumé en quelques lignes. Car pour adhérer au travail de Dan Safer, il faut envisager de ne pas pouvoir se raccrocher à une histoire. Langue anglaise et française se mêlent, acteurs et danseurs jouent ensemble la même partition ou échanges leurs rôles, tout repose sur l'énergie déployée. «Je déteste les spectacles prétentieux qui obligent les gens à avoir un bagage culturel important pour éprouver du plaisir», explique Saffers. Accepter de ne pas tout comprendre, pour entrer, finalement, dans une certaine forme de… code.Anticodes
Aux Subsistances
Du jeudi 31 mars au dimanche 3 avril


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