Sang mêlés

Théâtre / La Médée de Jean-Louis Martinelli n'était encore jamais passée à Lyon. Erreur réparée, c'est au TNP que l'on peut assister à ce spectacle bouleversant, jusqu'au 3 avril. Dorotée Aznar


Avec Médée, le metteur en scène Jean-Louis Martinelli se livre à un exercice hautement périlleux. Dresser un parallèle entre le mythe de Médée et l'histoire de l'Afrique et faire résonner l'histoire de cette magicienne étrangère à la cour de Créon avec celle de tous les réfugiés. Pour cela, il situe l'action dans un camp, où l'on dort entassé comme des animaux derrière des grilles et où l'on se chauffe sur un petit réchaud. Ajoutez à cela le choix de remplacer le chœur antique par un chœur de femmes burkinabées, de vieilles couvertures pour figurer les haillons et l'on craint de plonger dans une version (au mieux) folklorique de Médée. Et pourtant, en quelques minutes, toutes les craintes sont emportées. Si on est bien en Afrique, on est loin du folklore pour spectateur en mal d'exotisme. Le chœur (magnifique) se transforme en rumeur populaire annonçant et commentant le désastre à suivre. Et dans le rôle de Médée, Odile Sankara réussit presque l'impossible : tenir le rôle d'une femme qui réclame vengeance avec hargne, sans jamais que la tension ou l'attention ne se relâchent.Coupable
S'il existe plusieurs versions du mythe de Médée, celle imaginée par Max Rouquette est fidèle à la tragédie d'Euripide. Régicide, fratricide, infanticide, Médée baigne dans le sang. Mais le texte de Rouquette a cela de passionnant qu'il accorde une place immense au corps, ses odeurs, sa couleur, ses souffrances et ses jouissances. La sexualité est une donnée essentielle, dont Médée ressasse les souvenirs comme pour garder ses plaies à vif. Tout ici est chair et sang. La première étreinte de Médée et de Jason se fait dans le sang encore tiède de son frère, par elle assassiné, la jeune femme à la peau claire pour laquelle Jason envisage de l'abandonner périra rongée par les flammes et enfin, c'est dans le sang de ses fils qu'elle versera pour punir l'homme qui la répudie. Alors que diverses justifications à cet acte final sont avancées, toutes s'évanouissent, ne laissant sur scène que la violence pure. Médée
Au Théâtre national populaire (Villeurbanne)
Jusqu'au dimanche 3 avril


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