Le CHRD tire un trait

Expo / À six mois des travaux de redéploiement de sa collection permanente, le Centre d'Histoire de la Résistance et de la Déportation tire sa révérence avec son exposition la plus ambitieuse : «Traits résistants – La résistance dans la bande dessinée de 1944 à nos jours». Benjamin Mialot


On connaissait la bande dessinée comme objet artistique, prisé des producteurs de cinéma pour sa capacité à rendre le mouvement à partir d'images fixes et choyé par la grande distribution pour son caractère intergénérationnel. On la connaissait aussi comme objet critique, disséqué à longueur de revues d'art contemporain et primé dans des festivals toujours plus nombreux. Grâce au Centre d'Histoire de la Résistance et de la Déportation et «Traits résistants», on lui découvre un troisième visage : celui d'un objet scientifique dont les évolutions en disent autant sur l'Histoire que sur le rapport que nous entretenons avec elle. Une exposition dont Xavier Aumage, archiviste au Musée national de la Résistance de Champigny-sur-Marne, partenaire de l'événement, espère qu'elle créera un précédent et incitera universitaires et chercheurs de tous poils à décoincer la bulle. Au regard des qualités scénographiques, pédagogiques et ludiques du parcours proposé, ce serait bien le diable que son appel ne soit pas entendu.UN MAQUIS DE SOUVENIRS
Car la grande force de «Traits résistants», c'est de ne jamais sectionner les liens unissant ses deux sujets, de s'interroger autant sur les spécificités (sonores notamment) de la bande dessinée que sur la place de la Résistance dans l'imaginaire collectif (voir l'instructif segment sur la propagande). Il suffit, pour s'en convaincre, de s'arrêter à l'entrée de chacune des cinq salles thématiques (la violence, l'unité, le maquis, l'aide aux personnes pourchassées, la parole libre) constituant le gros de la visite : s'y trouve à chaque fois un vestige de l'occupation, à l'image de cette sacoche arrachée à un officier allemand, et les croquis d'une future réalisation appelée à le replacer dans son contexte. Plus que de simples balises, ces dialogues sont en fait les prémices d'un recueil de one-shots à paraître chez Le Lombard sous la direction du scénariste Jean-Christophe Derrien. Au-delà de cette vitrine, «Traits résistants» met en perspective réalité et fiction et raconte le passage d'une création unilatéralement revancharde à des productions plus nuancées à grands renforts de documents d'époque (Paris sous l'occupation, filmé par Francis Porret avec une caméra dissimulée dans un faux livre), de planches originales (magnifiques encrages de Stéphane Levallois pour La Résistance du sanglier), de curiosités (Tarzan contre Hitler !) et de pièces d'exception (le manuscrit original de La Bête est morte !, chef-d'œuvre anthropomorphique de Calvo paru en 1944). Richissime.TRAITS DE RESISTANCE
Au Centre d'Histoire de la Résistance et de la Déportation
Jusqu'au dimanche 18 septembre


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