Dieu en Pearson

Musique / Génie fondateur de la comète Lift To Experience, inventeur d'un post-rock cosmico-évangéliste, Josh T. Pearson est de retour, exsangue, dépouillé, christique. Cette fois le roi est nu mais c'est la concurrence qui est rhabillée. Stéphane Duchêne


C'est l'histoire d'un Texan qui a perdu la foi parce qu'il ne la ressentait plus physiquement. Puis, qui l'a retrouvée le jour où il comprit qu'il fallait à Dieu un véhicule, qu'il fallait à Dieu une guitare. Ce type, c'est Josh T. Pearson qui forme, au tournant du millénaire, un trio de post-rock-blues apocalyptique, Lift To Experience. Trois archanges qui ressemblent plus au cousinCooter de Shériff Fais-moi peur qu'à Gabriel mais qui en cherchant la transcendance pondent Texas-Jerusalem Crossroads : un album divin où des textes quasi bibliques chevauchent des drones lancés droit vers le Paradis. D'épiques concerts texans conduisent alors le label anglais Bella Union, à signer le groupe. Succès critique et concerts incandescents sur le vieux continent, la cote de Lift to Experience prend elle aussi l'ascenseur. Mais d'une, nul n'est prophète en son pays et le disque ne sort pas aux USA. De deux, en pleine tournée, la femme du bassiste meurt mystérieusement. Il quitte le groupe. Plus tard, Pearson vire le dernier membre de son trio, en lui envoyant une botte par la poste (métaphore cow-boy du coup de pied au cul) alors que le groupe est au bord d'accoucher d'un second album de Post-Apocalyptic Blues. Finalement, l'ascenseur a rejoint l'échafaud. Crêperie
Nous sommes en 2002 et beaucoup de ceux qui ont trouvé la foi ou tripé comme des glands au croisement du Texas et de Jerusalem, n'entendrons plus jamais parler de Pearson, rentré chez lui, émigré à Berlin, puis à Paris, où il fait les beaux soirs d'une crêperie, y organisant des sessions country folk entre une complète et une nutella banane. Une traversée du dés(s)ert pendant laquelle Pearson, qui s'est fait la tête de Vincent Gallo dans Essential Killing ou du Christ (au choix), retrouve l'inspiration. Au point de livrer, dix ans après Texas-Jerusalem Crossroads, un album solo bouleversant de dénuement, Last of The Country Gentlemen. Un piano ou une guitare, le violon parcimonieux de Warren Ellis (Dirty Three) et la voix d'ange déchu d'un Pearson qui après avoir voulu monter au ciel se met aux genoux d'une Marie-Madeleine topless. On dirait des chants de Noël où le Père Noël s'excuserait de ne pas exister, pleins de silence et d'envolées lyriques avortées. Par moments, la voix lumineuse mais affaissée de Pearson rappelle celle du Springsteen des albums acoustiques : un volcan effondré, une caldeira. À d'autres, sur Country Dumb, une sorte d'Amazing Grace liftée au rabot, on entend presque l'ange noir Johnny Cash. Pour un peu on ressentirait physiquement la foi qu'on n'a jamais eue. Josh T. Pearson + Arianna Monteverdi
À Grnd Zero Gerland
Lundi 18 avril
«Last of the Country Gentlemen» (Mute)


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