Le festival Hors-cadre au Cinéma Gérard Philipe à Vénissieux, consacré aux rapports entre les mots et l'écran, fait son focus sur les cent ans de Fantômas, avec un documentaire, une expo, une conférence et un ciné-concert autour du film de Louis Feuillade. Christophe Chabert
La culture populaire française n'a jamais excellé dans la création de mythologies. Pourtant, les feuilletonistes comme Eugène Sue, puis les pionniers du cinématographe se sont évertués à combler ce vide. Cela dit, que penser quand les rares mythes français, comme Vidocq, Arsène Lupin ou Belphégor, finissent massacrés par des producteurs imbéciles confiant à des yes men le soin de dépoussiérer ces figures essentielles et ne font en bout de course que les ridiculiser (ce gros tâcheron de Jean-Paul Salomé s'en est fait une spécialité) ? Le festival Hors-cadre à Vénissieux a décidé de célébrer pour sa nouvelle édition les cent ans d'un de ces grands mythes : Fantômas. En 1911, deux auteurs de feuilletons populaires, Marcel Allain et Pierre Souvestre, inventent ce «génie du crime», personnage maléfique ne révélant jamais son vrai visage, sorte d'ancêtre français du Joker de "Batman". Fantômas est dès le départ la vraie «star» du feuilleton, même si il doit affronter deux personnages positifs qui le pourchassent — le commissaire Juve et le journaliste Fandor. C'est la grande trouvaille de Allain et Souvestre : faire du méchant le point de fascination de leur intrigue, alors que la figure du «héros» est finalement affaiblie par cette division des tâches.
Le cinéma muet voit très vite l'intérêt graphique d'un tel personnage, et c'est le génial Louis Feuillade qui s'y colle. On connaît le magnifique travail du réalisateur sur "Les Vampires", et on pourra découvrir au festival son "Juve contre Fantômas", tourné en 1913 et projeté à Vénissieux avec une partition musicale inédite de Radiomentale, duo spécialisé dans le ciné-concert, qui l'interprètera en live. Cette première adaptation ouvrira la voie à de nombreuses autres versions, dont les plus connues sont sans doute les trois films réalisés par André Hunebelle avec Louis de Funès et Jean Marais. Inégale, cette trilogie repose toutefois sur une idée judicieuse. Si Juve devient l'attraction principale de ces divertissements joyeusement ringards, le choix de faire incarner Fandor et Fantômas par le même acteur (Marais) crée une trouble zone où le mal absolu et la soif de vérité se rejoignent. Le documentaire "L'Odyssée de Fantômas" parlera de tout cela et de beaucoup d'autres aspects du mythe, tout comme l'écrivain Marc Lemonier qui assurera une conférence autour de Fantômas au cinéma. En attendant, les genoux tremblants, l'hypothétique version de Christophe Gans en 3D, toujours dans les limbes de la production…