Aux antipodes du cinéma


Théma / Le programme le plus appétissant d'Hallucinations collectives est sans doute celui consacré à la «Ozploitation». Ce terme cinéphilo-geek désigne un pan du cinéma australien connu des amateurs de séries B, même si les quatre œuvres présentées au festival ne relèvent pas toutes de ce courant. Ainsi, le grand Peter Wei a surfé sur la vague avec Les Voitures qui ont mangé Paris, mais Pique-Nique à Hanging rock prouvait que le cinéaste avait déjà des ambitions plus hautes qui le conduiront jusqu'à Hollywood. C'est en effet un film important, dont l'influence se fait notamment sentir dans le Virgin suicides de Sofia Coppola. Décrivant le quotidien de lycéennes à la fin du XIXe siècle, puis leur disparition mystérieuse au cours d'un pique-nique, Weir adopte un style onirique et éthéré, avec une photo aux relents hamiltoniens et une musique hypnotique, tirant le film vers le conte fantastique. La nature et ses forces telluriques sont au centre de Pique-nique à Hanging rock, et elles le sont aussi dans Long week-end, étonnant survival de Colin Eggleston. Un couple en pleine déréliction pense se ressouder au cours d'un week-end dans un site sauvage. Mais entre la beauferie de l'homme et les bouderies de la femme, la situation se dégrade encore. Au fil des heures, la nature devient hostile, plongeant le couple dans la paranoïa. On sent qu'il y a là une faute à expier, mais laquelle ? Le kangourou écrasé au début ? Les canettes de bière jetées négligemment par l'homme ? Ou encore un avortement qui a brisé la sexualité du couple ? Toutes les interprétations sont possibles, mais la peur créée par une mise en scène impressionnante, osant la durée des plans et le silence pour susciter l'angoisse, est indéniable. Beaucoup plus ouvertement fun, Les Traqués de l'an 2000 (Turkey shoot) décrit un monde où le fascisme a triomphé, l'État déportant dans des camps ses opposants. Les geôliers sont des brutes aux méthodes abjectes, et le film s'amuse, comme dans toute bonne bande d'exploitation qui se respecte, à raconter par le menu leurs exactions, sadisme et effets gore à l'appui. On retrouve toutefois ce qui fait le prix du cinéma australien : une qualité d'écriture et de réalisation constante, un soin apporté à la direction artistique et au choix des acteurs. D'où la réputation culte de la Ozploitation, dont le festival dresse un réjouissant panorama. CC


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Un Prophète