Bien vivant !

Présentation des spectacles proposés pendant les Nuits de Fourvière 2011. Critiques, résumés et avant-goût, vous saurez tout. Dorotée Aznar, Aurélien Martinez et Nadja Pobel


WE WERE HORSES
Danse & théâtre équestre
Passons rapidement sur la nouvelle création signée Bartabas et Carolyn Carlson, sur une musique de Philip Glass. Pourquoi ? Parce qu'on ne présente plus, à Lyon, l'homme qui fait danser les chevaux et qui participe, avec l'Académie du spectacle équestre, pour la troisième fois aux Nuits de Fourvière. Aussi parce we were horses affiche complet depuis plusieurs semaines. Espoir tout de même pour les amateurs, Bartabas se plait à organiser des “levers de soleil” surprise pour les spectateurs les plus courageux et les plus motivés. Peut-être renouvellera-t-il l'exercice cette année. DA
WE WERE HORSES Au Grand Théâtre, jusqu'au samedi 11 juinI AM THE WIND
Théâtre
Après s'être frotté une première fois à l'écriture de Jon Fosse lors de sa carte blanche au Louvre, Patrice Chéreau souhaitait monter I Am the Wind. Les Nuits de Fourvière souhaitaient accueillir Patrice Chéreau. Ce sont finalement six coproducteurs qui se sont mobilisés pour faire naître ce projet. Deux comédiens londoniens (Tom Brooke et Jack Laskey) interprètent cette courte pièce, livrés aux caprices de la mer et du grand scénographe Richard Peduzzi. La pièce, créée à Londres et proposée en France en anglais surtitré, ne sera présentée en extérieur que dans le cadre des Nuits de Fourvière. DA
I AM THE WIND À l'Odéon, du mercredi 15 au samedi 18 juinTOUTARISTOPHANE
Théâtre aux musées
Expérience inédite et insolite, les Nuits de Fourvière proposent d'enfermer les spectateurs dans des musées, de les livrer à Serge Valletti et à Georges Lavaudant et de leur permettre d'assister à des représentations de deux pièces, La Stratégie d'Alice et Reviennent les lucioles !, inspirées d'Aristophane (le premier auteur comique connu) et de terminer la soirée par un dîner en présence de l'auteur, du metteur en scène et des comédiens. À noter, Serge Valletti sera artiste associé au festival pendant trois ans. DA
TOUTARISTOPHANE Aux Musées gallo-romains de Lyon-Fourvière et de Saint-Romain-en-Gal, vendredi 17 et samedi 18 juinUNE FLÛTE ENCHANTÉE
Opéra
Une flûte enchantée a minima (1h40 contre les 4 heures habituelles) :voilà ce que propose l'Anglais Peter Brooks, monstre sacré du théâtre âgé de 85 ans. Sur scène, pas de décor mirobolant, de costumes affriolants ou d'orchestre imposant: tout ici n'est qu'épure et sobriété assumées. L'adaptation du livret par Marie-Hélène Estienne (une fidèle de Brook) est donc libre, très libre, même si elle reste fidèle à l'esprit de l'opéra – les aventures du prince Tamino, bien décidé à délivrer la jeune Pamina, fille de la Reine de la Nuit, enlevée par le mage Sarastro. La partition a aussi été réduite au maximum pour n'être plus défendue sur scène que par un piano. Façon qu'a Peter Brook de débarrasser l'opéra de conventions pesantes pour en revenir à son essence même : la distribution d'émotions par les simples musique et voix des interprètes. Ce qui fonctionne ici, dans une mise en scène sans emphase, quoique parsemée de quelques fausses notes, comme une scénographie low cost, (dans la droite lignée de l'espace vide que Brook théorisa lui-même) surprenante avec ses longues tiges de jonc déplacées entre chaque tableau. Pourtant, il reste sur scène le principal :l'opéra de Brook fonctionne pleinement, notamment auprès du public profane en la matière : les deux mois de représentations aux Bouffes du Nord (théâtre parisien que dirige Brook) ont affiché systématiquement complet. Alors certes, les mozartophiles pourront se sentir trahis, Brook leur sucrant une bonne partie de l'oeuvre initiale, mais ne serait-ce pas là le but du metteur en scène, qui revient à l'opéra après l'avoir abandonné pendant vingt ans, lui qui confessait vouer «une haine absolue de cette forme figée».Dans ce cas, on apprécie l'ironie du procédé. AM
UNE FLÛTE ENCHANTÉE À l'Odéon, du jeudi 23 au dimanche 25 juinLA SALLE D'ATTENTE
Théâtre au musée
On a beaucoup parlé de l'auteur suédois Lars Norén cette saison. Pendant les Nuits deFourvière, le metteur en scène polonais Krystian Lupa – connu notamment pour son goût des représentations théâtrales qui s'étirent à l'infini – adapte Catégorie 3.1, du nom de la «catégorie» dans laquelle l'administration suédoise fiche ceux qui vivent à sa marge (alcooliques, drogués, chômeurs...).Pas de spectacle fleuve pour Lupa cette fois, mais une invitation faite au public à prendre place, en jauge réduite, dans une salle bétonnée du Musée gallo-romain de Lyon-Fourvière. DA
Au Musée gallo-romain de Lyon-Fourvière Du mardi 28 juin au samedi 2 juilletANÆSTHESIA
Théâtre musical & danse.
Tout commence et tout fini au pays des délices dans Anæsthesia. Avec «Et in Arcadia ego» (« Moi (la Mort), je suis aussi en Arcadie (le pays des délices)» tamponné sur le corps, un des comédiens sème le trouble. Pauvre statue du commandeur, il est renvoyé manu militari dans le décor de la nouvelle création de la compagnie allemande des Nico and the Navigators. Le duo, Nicola Hümpel et Oliver Proske, introduit cette fois de la musique live dans son spectacle de théâtre dansé. Le groupe des Franui, un ensemble orchestral du Tyrol, fait entrer des cuivres dans la danse pour célébrer joyeusement le 250e anniversaire de la mort de Handel. Trente-deux airs du compositeur germano-britannique s'enchaînent à un rythme soutenu. La troupe de danseurs-acteurs-chanteurs aligne quelques pas d'un menuet royal ou se change en animaux (pour une chasse à cour ?). Avec ironie, la compagnie, qui travaille ensemble depuis longtemps et au plateau, ne cesse d'égratigner la notion de pouvoir tout en créant des images visuellement marquantes. Avec des plumes, des peaux de bêtes ou des boules de tissus, les Navigators dessinent un bestiaire baroque et imaginent une naissance, une éclosion ou, au contraire, des joutes animales. Via ce collage un peu braque, Nicola Hümpel, grande admiratrice de Pina Bausch, réussit cet étrange pari : faire de la poésie et de la beauté du geste un rempart au monde économique qui domine la vie moderne et qu'elle fustige au gré d'interviews. Les Nico and The Navigators croient en la capacité de leur public à s'émerveiller et à penser avec eux. Nadja Pobel.
ANÆSTHESIA Au Grand Théâtre Lundi 4 et mardi 5 juillet


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Le cantique des critiques