Camouflé


Musique / Si l'on devait tracer le parcours rock indé parfait, sans doute David Grubbs ne serait pas loin d'en porter le maillot jaune. Sauf que le jaune est trop voyant. Car voilà un musicien qui a su toujours mener sa barque sans jamais agiter le moindre étendard. Dont le nom est avancé comme une référence, tel celui des corsaires de légende dont on n'était pas bien sûr qu'ils existaient vraiment. Né au punk, Grubbs est rapidement rendu à «l'avant-garde», cette forme de musique repoussoir dont on parle plus qu'on ne l'écoute. C'est là, à la fin des années 90 que Grubbs est à deux doigts de frôler la correctionnelle : il s'entiche de son alter ego Jim O'Rourke (un gars comme lui), fonde Gastr del sol, un club de réflexion sur la pop, et sort, entre autres, comme point d'orgue, un album, Camoufleur, qui fleure bon le chef d'œuvre et les ronds de jambe critique. Rafraîchi par cette expérience aux portes de la notoriété, les deux mettent fin à leur collaboration des fois qu'on finisse par les reconnaître. En solo, Grubbs publie ensuite probablement plus d'albums qu'il ne vend d'exemplaires de chacun d'eux et met un point d'honneur à collaborer avec tout ce que la planète indé compte de noms (c'est-à-dire d'inconnus à la réputation impeccable) : musiciens (Palace Music, Red Krayola, Matmos) ou cinéastes (Hal Hartley, ancien chouchou des branchés tombé aux oubliettes). Il devient même prof à l'Institut d'art de Chicago, ce qui est une excellente couverture. Du coup, on ne plongera jamais dans la discographie d'un songwriter qui explore depuis toujours tous les pans de la musique américaine, folk, pop, punk, avec une austérité et un sens de l'épure qui n'enlèvent rien à son talent, une voix souvent déchirante. Et on passera côté de l'universalité de son cas. Celle d'un mec qui veut juste faire de la musique. David Grubbs
Au Sonic, Lundi 4 juillet


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