Bach, ce contemporain

Pour sa 32e édition, le Festival d'Ambronay mise tout sur Bach. Folie pure ou belle idée ? Les deux cumulées, ce qui fait dire par avance que cette édition est un grand cru où les Passions de Bach vont engendrer d'autres passions plus étonnantes encore. Pascale Clavel


Vue d'avion, la programmation du Festival Passion Bach à Ambronay ressemble à un grand fourre-tout autour de Bach ; vue de loin, ce pourrait être un événement où les genres se mêlent sans que l'on puisse bien comprendre ce qui relie les soirées, ce qui motive les concerts ; vue de près, c'est une mine de grosses et de petites pépites finement ciselées, musicalement jouissives. Alain Brunet, le directeur artistique faussement placide, est un visionnaire qui a su, saison après saison, faire d'Ambronay un lieu de musique où se retrouve la planète baroque entière, où se scelle un travail de recherche musicologique rare, inventif, expérimental et surprenant. Pour mémoire, lorsque Monteverdi rencontre Piazzola, c'est tout un public qui jubile. Le mélange de genres n'est pas un concept nouveau ; combien de groupes ont fait de la soupe en croyant qu'il suffisait d'ajouter quelques bits en dessous d'un Requiem et qu'une révolution était en marche ? Le projet d'Ambronay est d'une autre tenue et d'une belle ambition artistique. Bach, son Magnificat en ouverture, ses Suites pour violoncelle en hors-d'œuvre, sa Passion selon Saint Matthieu comme plat de résistance. Quant au dessert, comme des enfants émerveillés, nous l'attendrons avec impatience dans les oreilles, avec trépignement dans les pieds : une Messe en Si dirigée par le maître Kuijken en personne.Quand Bach croise Björk
Lorsque les genres s'emmêlent à Ambronay, cela donne toujours des expériences inattendues. Les jazzmen Swingle Singers offrent une nuit Bach, une joyeuse idée où la musique du Maître nous emporte vers le tango qui lui même nous guide vers la musique pop. Eclectique et surprenant. Un autre événement verra l'immense accordéoniste Richard Galliano se confronter à l'œuvre de Bach : «La musique de Bach est universelle. Lorsque je la joue, je ne change pas une note, pas une respiration, pas un silence… » Et puis cette soirée attendue comme un choc parce qu'un compositeur contemporain à l'écriture sensuelle et spirituelle répond aux Passions de Bach. Zad Moultaka, musicien libanais qui n'a de cesse de faire des ponts entre Orient et Occident donne en première mondiale La Passion selon Marie et prend le pari de raconter les derniers moments du Christ sous le regard d'une femme, une mère éplorée. Pour cela, le compositeur choisit la langue originelle, l'araméen, que la divine soprano Maria Cristina Kiehr va magnifier. Moultaka imagine, tout autour de la chanteuse, un instrumentarium étonnant puisque clavecin et archiluth viennent discuter avec sacqueboute et viole de gambe. Moment de grâce en perspective.Festival d'Ambronay
Du 9 septembre au 2 octobre


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Je me crois en enfer donc j’y suis