La vie en jaune poussin


Bédé / La lecture du diptyque "Abélard", publié par Dargaud cet été, invite à enfoncer une porte ouverte : entre la bande-dessinée et l'anthropomorphisme, c'est une grande histoire d'amour. Une histoire débutée par le Daily Express, quotidien britannique dont les pages accueillirent dès 1920 l'infantile ours Rupert, popularisée une décennie plus tard par Disney avec le succès que l'on sait, et légitimée par le résistant Calvo avec La Bête est morte, séminale satire militaire publiée sous l'Occupation. Depuis, le neuvième art s'est fait le plus fervent avocat de ce procédé synonyme de caractérisation bien trempée et de sous-texte social, engendrant dans la foulée quantité de personnages inoubliables. Le détective palmé de Benoit Sokal, Fritz, le matou queutard de Robert Crumb, Usagi Yojimbo, lapin samouraï imaginé par Stan Sakaï, etc., sont de ceux-là. Et on est prêt à parier qu'Abélard, candide poussin parti décrocher la Lune pour l'accrocher au cœur d'une jolie bohémienne, grossira prochainement leurs rangs. Car ce n'est pas d'une simple fable morale que ce sont fendus Régis Hautière et Renaud Dilliès, quand bien même la patte graphique de ce dernier à plus à voir avec l'illustration format beaux livres que la narration séquentielle. Plus que son approche en douceur du racisme et du désir, c'est en effet sa structure de road-movie, sa manière de réconcilier magie et philosophie (Abélard tire d'utiles maximes de son chapeau) et ses oripeaux dylaniens (vagabonds, banjo, grands espaces, trains de marchandises) qui font d'Abélard un bijou d'humanisme et de la venue de ses auteurs en terres lyonnaises un rendez-vous immanquable. Benjamin MialotRenaud Dilliès et Régis Hautière en dédicace à La Petite Bulle, samedi 10 septembre à 14h.


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