Jardins extraordinaires

Tout «résonne» avec la Biennale d'Art Contemporain, même le cinéma ! Un premier exemple au Comœdia cette semaine où l'artiste argentin Jorge Macchi présentera le film dont il s'est inspiré pour créer son œuvre présentée à la Biennale : L'Année dernière à Marienbad. CC


Si dans un premier temps ce sont les cinéastes qui sont allés chercher dans l'art de potentielles inspirations (on pense à la spectaculaire et orageuse collaboration entre Dali et Hitchcock sur La Maison du Docteur Edwardes ou à celle, récemment exhumée, entre le même Dali et Walt Disney), ces dernières années, ce sont les artistes (contemporains) qui ont fini par utiliser le cinéma comme matière de leur travail. On se souvient du 24 hour Psycho de Douglas Gordon, où le Psychose d'Hitchcock était diffusé au ralenti pendant une journée, transformant chaque photogramme en œuvre à part entière et lui conférant une signification nouvelle, purement esthétique et non plus narrative. La démarche de Jorge Macchi, artiste natif de Buenos Aires, consiste à l'inverse à extraire l'image de l'écran et à la matérialiser dans la réalité. Mais il n'a pas choisi n'importe quel long-métrage : L'Année dernière à Marienbad, dont il a recréé le jardin au milieu de l'architecture industrielle des usines T.A.S.E. de Vaulx-en-Velin, mettant ainsi les spectateurs à la place des acteurs, tout en conservant la dimension d'inquiétante étrangeté qui a dû accompagner sa découverte en 1961. Car le film de Resnais est avant tout une grande énigme liée à son traitement novateur de l'espace et de la temporalité, du réel et du souvenir.

Labyrinthe(s)

Chez Resnais, les personnages errent dans un monde figé, clos, un grand hôtel entouré par un jardin immense. Qui sont-ils ? Que font-ils ici ? Le point de départ est lui-même une énigme : un homme dit à une femme qu'il l'a rencontrée «l'année dernière à Marienbad», mais elle ne s'en souvient plus. Est-ce qu'il ment ? Est-ce qu'elle a occulté une liaison adultère gênante pour son couple ? Plutôt que de chercher à répondre aux questions, Resnais et son scénariste Robbe-Grillet les redoublent par une forme tortueuse, où de grands travellings explorent l'espace, où les êtres se figent comme des statues, où l'on traverse des gouffres qui peuvent aussi être des changements d'époque, sinon de réalité. Des années avant David Lynch (autre cinéaste ayant clairement influencé la psyché des artistes contemporains) ou le Shining de Kubrick (dont la dernière image provoque des interprétations similaires à celle du film de Resnais), L'Année dernière à Marienbad explorait la matière cinématographique comme un labyrinthe dont seul l'auteur aurait la clé, et dans lequel le spectateur s'abandonnerait jusqu'à l'hypnose sensorielle. L'Année dernière à Marienbad
Au Comoedia, samedi 17 septembre à 18h en présence de Jorge Macchi.


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Gourmandises !