Marie s'exprime enfin


Musique / Il aura fallu attendre le 21ème siècle pour donner pleinement la parole à Marie. Au Festival d'Ambronay, le compositeur libanais Zad Moultaka crée La Passion selon Marie, Oratorio syriaque contemporain d'une grande humanité. On connaît généralement la Passion du Christ par le regard bienveillant des premiers amis : Matthieu, Jean ou Marc… Mais Marie n'a jamais vraiment eu droit au chapitre. Zad Moultaka nous oblige à des questions fondamentalement humaines : la souffrance de voir mourir un fils, le désarroi face à la mort, la place de la femme dans la religion, la dignité d'une mère… Le compositeur libanais pose son décor : la soprano Maria Cristina Kiehr campe une Marie tout en profondeur et en grande suavité. L'ensemble instrumental baroque Concerto Soave et le chœur de chambre Les Eléments servent d'écrin au chant de Marie. Son œuvre, Moultaka ne la veut pas comme un récit linéaire des Passions ordinaires — de l'arrestation de Jésus jusqu'à la croix, en passant par le procès — il en fait une réflexion puissante sur l'état d'une femme pétrie de douleur. Il compose là une œuvre dans l'intimité d'un vertige et brosse un portrait magnifique d'une mère éplorée. «Le thème de la Passion sera abordé à travers le regard de Marie, en tant que mère, ensevelie dans ses souffrances et dans ses doutes.» Plongée totale et radicale au creux de sonorités lointaines, les violes de gambes remplacent les apôtres, l'orgue symbolise l'esprit saint, les sonorités du clavecin évoquent l'extrême douleur. Zad Moultaka utilise des instruments baroques mais ne se sert jamais de leur opulence, il les dépouille de leur sens initial pour en tirer l'essence pure.


<< article précédent
Attenberg