Le grand Gégé en pleine Lumière


Événement / À partir de vendredi, il n'y en aura plus que pour lui. Les trois derniers jours du festival Lumière vont voir Gérard Depardieu écraser de sa stature d'acteur hors du commun (car c'est bien ce qu'on pense de Depardieu ici) le festival. Ses apparitions, qui devraient être plus nombreuses que celles d'Eastwood et Forman les années précédentes, risquent d'être inoubliables — le samedi, avant la remise du Prix Lumière, il va faire le tour des salles pour présenter les films de la rétrospective qui lui est consacrée. Ses amis comédiens et cinéastes se retrouveront tous le soir dans l'Amphithéâtre 3000 pour la fameuse cérémonie du Prix Lumière avec la projection de La Femme d'à côté de Truffaut (un bon film tourné dans la région, bien avant que celle-ci ne s'entiche de produire des films, et pas des bons !). Mais certains s'offriront un clin d'œil spécial, comme Gustave Kervern et Benoît Délépine, qui l'ont sublimé dans Mammuth et qui iront animer une séance autour de Sous le soleil de Satan, chef-d'œuvre de Maurice Pialat dans lequel Depardieu délivre une de ses prestations les plus fines et marquantes. Enfin, le dimanche après-midi, c'est à la Halle Tony Garnier que l'on verra Cyrano de Bergerac, classique récent du cinéma français signé Jean-Paul Rappeneau (lire l'interview) grâce auquel Depardieu avait à l'époque tout raflé : Prix d'interprétation à Cannes et César du meilleur acteur. Ce qui lui ouvrit même les portes d'Hollywood, pour le meilleur et pour le pire… Ces événements ne doivent pas faire oublier les films eux-mêmes : du très rare Dites-lui que je l'aime de Claude Miller à la révolution sombre et fiévreuse orchestrée par Wajda dans Danton, du Depardieu cinéaste (Le Tartuffe) au Depardieu producteur (Le Visiteur, ultime film du génie indien Satyajit Ray), il y a beaucoup de belles choses à découvrir (ou à redécouvrir : Loulou, Préparez vos mouchoirs, Le Dernier métro…).

Les forçats de l'écran

Tandis que Depardieu deviendra l'attraction centrale de cette troisième édition, Lumière continuera de dérouler sa pléthorique programmation selon le fameux «système foie gras» de tout festival lyonnais qui se respecte ! Impossible d'ingurgiter la totalité du menu proposé sous peine d'indigestion, même si tout fait envie sur le papier : Agnès Varda qui vient parler des Enfants du Paradis au Pathé Bellecour, l'immense Roger Corman reçu en invité spécial pour l'ensemble de sa prolifique carrière et le documentaire-fleuve qui lui est dédié, La Guerre des boutons d'Yves Robert pour tous les enfants à qui les versions Samuell et Barratier n'en ont pas donné, des boutons, la suite du somptueux cycle Yakuza présenté par le passionnant Yves Montmayeur, Nelly Kaplan en visite lyonnaise pour démontrer que si La Fiancée du pirate est Déjà classique, elle n'en reste pas moins d'une farouche modernité en ces temps obscurs de retour pernicieux à l'ordre moral… Il va donc falloir faire des choix parfois cornéliens : se lever aux aurores pour voir un William A. Wellman muet de 2h20 (Les Ailes) ou aller boire un dernier verre à la Plateforme après les 5h25 de 1900 au Comœdia ? Filer au Zola de Villeurbanne pour y entendre Jean-Pierre Darroussin parler de Goupi mains rouges, mythique polar de Jacques Becker, ou aller à UGC Ciné-cité pour savourer la modernité inouïe du jeu de Simone Signoret dans Casque d'or, polar mythique de Jacques Becker ? Se laisser tenter par un film dont on ne sait rien (au hasard : The Plague dogs de Martin Rosen) ou ne pas résister à l'appel d'un classique que l'on connaît presque par cœur mais que l'on n'a jamais vu sur un grand écran (toujours au hasard : Le Quai des brumes de Marcel Carné) ? Mais la question la plus brûlante qui saisira le festivalier enchaînant à un rythme de forçat les séances, c'est définitivement : quand est-ce qu'on mange ? (Prononcez cette phrase à la Depardieu, et vous aurez bouclé la boucle de cet article).
Christophe Chabert


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