Pulsions de mort


Dans son appartement, un type entame une rumination intérieure sur la meilleure façon de se suicider. Médicaments, sac plastique, rasoir…? Telle une boule de flipper, sa pensée part dans toutes les directions, ricoche contre ses propres hésitations et finit par décrocher l'extra-balle, la solution idéale : la mort par arme à feu. Un délai de livraison de revolver le fera gamberger à nouveau et trouver finalement un sens inattendu à sa piètre existence : échanger ses pulsions suicidaires contre une bonne haine sociale et personnelle, avec projet d'empoisonnement d'employé de la CAF à la clef ! Cet anti-héros incarné par Yann Metivier est tout droit sorti du dernier livre de Hubert Selby Jr (1928-2004), Waiting Period, composé essentiellement d'un monologue. Ici, l'espace mental du personnage est un studio délabré avec quelques meubles, des piles de journaux ça et là et un plafond saturé d'ampoules électriques. Un musicien sur scène entame de temps à autre quelques extraits de blues (sympathiques, mais qui interviennent comme autant de cheveux sur la soupe) ou joue à l'occasion, et plutôt en hésitant, quelques seconds rôles : un armurier, un barman… L'interprétation très physique de Yann Metivier (avec toujours son côté flipper-flippé), les extraits de texte choisis, la direction souvent burlesque de la mise en scène invitent surtout à nous interroger sur la psychologie déglinguée du personnage (auquel on collerait volontiers toutes les névroses et symptômes maniaco-dépressifs disponibles), plutôt que sur les enjeux (politiques, philosophiques… ?) de sa révolte. Une étude de cas donc. JED

Waiting Period, ms Cécile Vernet et Marijke Bedleem, Cie AOI, jusqu'au 15 octobre à l'Elysée.


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