Chambon, et même très bon


Théâtre / Il y a une méthode Jacques Chambon, une formule qui a fait ses preuves et qu'on retrouve pièce après pièce : prenez deux personnages qui n'ont rien en commun, enfermez-les dans un lieu unique, agitez longuement et laissez monter la sauce comique. Ça s'appelle la comédie des contraires et Francis Veber, en son temps, l'avait déjà inscrite régulièrement à son menu. Chez Jacques Chambon, les différences se jouent sur le degré de mélancolie qui finit par infuser au milieu de l'humour, sur des notations sociales ou politiques qui s'immiscent dans les creux de l'intrigue… Mais avec Ta gueule !, il ne cherche qu'une seule chose : l'efficacité pure, le burlesque effréné, le gag qui tabasse. Et ça marche : difficile de trouver spectacle plus drôle actuellement à l'affiche. La partition, comme d'habitude, a été écrite sur mesure, et Chambon lui-même s'est emparé du personnage de Jean-Claude, prof dépressif et cocu, avec une manifeste jubilation. Maître de la rupture (guettez le «Bon, j'vais m'laver les dents»), ne reculant jamais face au ridicule des situations (la grandiose scène de l'entraînement téléphonique en est la meilleure illustration), il envoie du lourd sur scène. Si lourd qu'il faut la solidité terre-à-terre de Dominique Palandri, ici en truand italien à l'accent exagérément lyonnais, pour y répondre sans se laisser déborder. L'ensemble avance à un rythme d'enfer, emporté par ce tandem redoutable et une écriture impeccable, entièrement focalisée sur le pur plaisir du jeu. Et, par contagion, sur celui du spectateur. Christophe Chabert


<< article précédent
Poulet aux prunes