La sortie en salles d'un anime japonais est une chose rare qu'on ne doit pas qu'à des soucis d'exploitation, mais aussi à la qualité des films. Une double bonne raison pour accueillir chaleureusement Colorful, œuvre fragile et lucide du très confidentiel Keichi Hara. Sur un scénario typiquement japonais — pour renaître, un esprit doit intégrer le corps d'un adolescent suicidé et vivre avec sa famille — le cinéaste livre une vision limpide et sensible de la société nippone. Suivant les traces de Tokyo Sonata, le film observe avec exactitude l'implosion sourde de la cellule familiale, son individualisme, ses déficits de communication, le manque d'amour qui ne demande pourtant qu'à éclore car trop barré par des conventions écrasantes. Aucune grande nouvelle, mais une délicatesse dans l'approche des situations, de la jeunesse et surtout une belle éloge de l'amitié adolescente. En quelques scènes buissonnières, le film provoque de sublimes secousses émotionnelles qui sont autant d'appels à la liberté.
Jérôme Dittmar