Buffet froid


Réouvert en grande pompe et avec une certaine émotion le 11 novembre dernier, le TNP donne la parole à Ruy Blas de Victor Hugo, qui comme tous les grands textes est d'une actualité jamais démentie, quelles que soient les époques. Le pouvoir est au cœur de cette tragédie dans laquelle le roi d'Espagne Don Salluste tombe pour affaire de mœurs (toute ressemblance avec un fait existant ne serait que pure coïncidence) et monte un stratagème pour se venger de sa femme qui l'a condamné à l'exil. Il la propulse dans les bras de son valet Ruy Blas déguisé en son cousin, le vaurien Don César de Bazan ; un mensonge qui conduira au carnage. À nouveau, Christian Schiaretti traite du Siècle d'or espagnol (tout se passe dans l'imposant Escurial madrilène) auquel il a consacré une enthousiasmante trilogie l'an dernier. À nouveau, il signe une fresque avec une vingtaine de comédiens en scène qu'il chorégraphie habilement. Mais malgré un décor sobre et splendide à la fois — surtout dans la première partie, des costumes impeccables, des comédiens obéissants (Robin Renucci en Don Salluste et l'incroyable Juliette Rizou, bouleversante dans La Jeanne de Delteil, plus effacée ici), il plane un parfum d'ennui sur ces 3h. Trop peu d'émois affleurent. La mécanique, parfaitement huilée, ne suffit pas à donner du corps, de la chair, de la vie aux personnages qui pourtant portent parfois des convictions tribunitiennes hautement recommandables — Ruy Blas à des accents mélenchoniens troublants lorsqu'il clame son manifeste en faveur du peuple face à un gouvernement conservateur. Nadja Pobel


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Deslile aux trésors