English Horror Story

Littéralement métamorphosé, The Horrors est passé en quatre ans d'un gothisme primaire et lourdeau à une new-new-wave psychédélique au puissant pouvoir d'élévation. Stéphane Duchêne


Le fait que la visite lyonnaise de The Horrors ait lieu à distance respectable d'Halloween n'est sans pas totalement innocente. Il y a encore quelques années, au moment de la sortie de leur premier album, l'un peu trop bien nommé Strange House, The Horrors aurait animé une soirée "trick or treat" à grand renfort de toiles d'araignées en coton, de citrouilles sculptées et d'araignées en plastique. Nous sommes en 2007 et la bande de Faris Badwan fait "bouh" dans le micro.

Mélange de Bauhaus à mèche et de Birthday (surprise) Party avec des Cramp(e)s, le résultat flirte avec le grand-guignol (on croit même entendre du ska) et The Horrors fait figure de zombification de Strokes passés au supplice du goudron et des plumes, avec coupe mi-Robert Smith, mi-Judith Magre.L'inquiétante étrangeté, selon la formule consacrée, ne se décrète pas.

Puis, avec Primary Colours, la famille Badwan tente la sortie du caveau et prend des couleurs tandis que l'image se brouille, comme sur la pochette du disque, débarrassée de toute référence, comme s'il fallait effacer un passé gênant.

 

Choose life

On découvre alors Faris Badwan en héritier du grand Ian McCulloch d'Echo & the Bunnymen. À l'air (presque) libre, la musique de The Horrors prend une résonnance new wave, s'essayant à la mélodie et au chant (pas con !). Et surtout prend conscience que les kaléidoscopes du psychédélisme sont plus propres à l'égarement que le dévissage d'ampoule, que les meilleurs labyrinthes sont faits de murs de guitares pour shoegazers passe-murailles.

Vient alors Skying avec lequel The Horrors prend définitivement de la hauteur, s'affranchit des canons de la new-new-wave à la Interpol/Editors (une facilité tentante). Le groupe disparaît de la pochette, le flou demeure, le psychédélisme new wave aussi, mais cette fois, entre cumulo nimbus et éclairs (de génie), nous sommes en haute altitude, dès le premier titre : Changing the rain. Les synthés sont menés à bride abattue, mais on laisse tourner le moteur des guitares-drones.

Surtout on aligne les tubes comme à Stonehenge les pierres (magistral Still Life). Badwan, crooner de l'espace, flirte avec le fantôme de Morrissey, mais toujours sous l'ombre tutélaire d'Ian McCulloch. Ainsi Skying aurait été l'album idéal d'un hypothétique retour des Bunnymen. Or qu'apprend-on ces jours-ci ? Que, sans le faire exprès, The Horrors a ressuscité les hommes-lapins, qui se reforment ! Brrr !


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