Les charmes discrets de la banalité


Rien de plus ennuyeux que les photographes "faiseurs d'images", transformant, sublimant la réalité dans des compositions esthétiques. Né en 1951 en Irlande, vivant en Grande-Bretagne, Tom Wood n'est pas de ceux-là. Pire : ses images, au premier abord, ont un aspect presque désagréable, rugueux, disgracieux. Des visages peu avenants, des univers urbains délabrés, des cadrages un peu brutaux, des lumières trop blanches, trop crues… Dans ses livres et ses expositions, l'artiste aime aussi que ses images s'entrechoquent, mêlant le noir et blanc à la couleur, des sujets différents, des temporalités différentes. L'exposition «Men and women» au Bleu du Ciel, certes concentrée sur une thématique humaine, mélange ainsi sans ordre ni hiérarchie des photographies des années 1970 à nos jours.

La plupart ont été prises à Liverpool où Tom Wood pratique la «street photography» (lancée dans les années 1950 par Robert Frank ou William Klein), soit cette façon de se laisser guider par le hasard des rencontres et des événements, la banalité du quotidien, ce qui, dans l'existence, n'a pas forcément de caractère remarquable ou noble. Tom Wood va jusqu'à prendre ses images dans des salles de pause emplies de posters de femmes aux seins nus, à la sortie d'un pub d'où s'ébranle un groupe de supporters, dans des dancings sans âme… Sans porter de jugement, le photographe cherche dans chacune de ces situations à saisir la vie, l'émotion, le charme ou l'aura insoupçonnable d'individus anonymes.
Jean-Emmanuel Denave


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