Frànçois le Frànçais

Avec E Volo Love, Frànçois & the Atlas Mountains a trouvé sa voix dans l'égarement musical. Parti des Charentes, passé par l'Angleterre, étranger en pays étrange, il entraîne l'auditeur sur la trace d'un absolu pop aussi attachant que sans attache. Stéphane Duchêne


A la réception du premier disque de Frànçois & the Atlas Mountains, Plaine inondable, sorti de nulle part et sans prévenir, on pouvait légitimement se demander d'où venait cet ovni au patronyme et à la musique difficile à localiser sur le Google Maps musical mondial. Il fallait attentivement décrypter la pochette et attendre la deuxième chanson de l'album, l'addictif Be Water (Je suis de l'eau),  pour être fixé.

À la sortie d'E Volo Love, on sait au moins qui c'est Raoul, enfin François Marry, jeune Charentais un temps exilé en Angleterre. Pour y faire quoi ? De la brit-pop ? Pas vraiment. «Mind the gap», disent les avertissements du métro londonien. Et ici, le gap est immense, y compris avec ce premier album qui contenait pourtant toutes les promesses ici tenues.

E Volo Love est un étrange objet volant : mélange de pop apatride et de chanson française faussement tarte quand il s'agit de chanter, avec une certaine affectation, dans la langue charentaise, ce qui n'est pas toujours le cas (on y chante aussi en anglais avec l'accent français et parfois faux).

Sédiments

Ça commence un peu comme 50% des albums pop de ces deux dernières années : avec un peu d'Afrique dans les arpèges – jurisprudence Vampire Weekend oblige, c'est toujours un peu Paul Simon qu'on ressuscite, même le langoureux suédois patraque Jens Lekman s'y est mis, c'est dire.

C'est du moins la fausse piste sur laquelle nous égare Frànçois avec gourmandise, jouant les Icare, sans parvenir à se brûler les ailes, fut-ce à l'auditeur de transpirer sous la chaleur astrale pour tenter d'en saisir toute la subtile complexité quelque peu labyrinthique. De l'appréhender par petites touches et petites couches de sédiments, Plaine inondable devenue désert chaud où le palindrome («E Volo Love») vaut égarement.

En bon Français, on percevra ici la délicatesse de Julien Baer, là, la préciosité mélancolique de Dominique A, ailleurs, la légèreté de pas de Mathieu Boogaerts. On aura tort et raison : comme il le métaphorise si bien sur Cherchant des Ponts, magnifique duo avec Françoiz Breut, Frànçois le Français et son groupe bâtissent des passerelles, parfois impossibles, entre des mondes musicaux, avant d'en effacer les traces, tiraillés par l'idée du retour. E Volo Love : premier acte d'une démondialisation pop ? 


FRÀNÇOIS & THE ATLAS MOUNTAINS "Piscine" par domino


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