Le rire, mode d'emploi


Café-théâtres / Il y a deux types d'humoristes sur les scènes actuellement : ceux qui misent tout sur la vanne, recherchent la complicité du public et rebondissent sur le moindre froissement d'étoffes dans la salle ; et ceux, plus rares, qui visent la perfection du jeu, inventent des personnages et les raffinent de soir en soir jusqu'à en connaître par cœur et par corps le plus infime des tremblements. Antonia de Rendinger fait partie de cette catégorie et son spectacle, Travail, famille, poterie, est avant tout une prouesse de comédienne. Dès l'introduction, elle mime avec une énergie folle les gestes quotidiens d'une épouse modèle au bord de la crise de nerfs à qui l'on prodigue des leçons pour faire briller ses meubles, son couple et ses enfants. Impressionnante dans ses ruptures, hyper-expressive, de Rendinger bouffe littéralement le plateau. Ensuite, qu'elle incarne une vieille concierge de 80 balais, un beauf émotif, une sommité scientifique sur arte, une quinqua en pleine opération d'épilation extrême ou une Présidente de la République (entre uchronie et utopie, un passage cinglant et hilarant), c'est toujours avec la même dextérité vocale, gestuelle et physique. Cela pourrait suffire à faire de son one woman show un modèle du genre. Mais la construction, empruntant son principe à La Vie mode d'emploi de Perec (un immeuble dans lequel tous les personnages vivent et se croisent), trahit une réelle ambition théâtrale. Bref, une grande actrice dans un fort bon spectacle.
Christophe Chabert


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