La vie en rouge

"Rosa la Rouge", c'est un concert théâtralisé sur la figure de la révolutionnaire allemande Rosa Luxemburg, composé par la chanteuse Claire Diterzi. Un véritable coup de cœur. Aurélien Martinez


Rosa Luxemburg en pasionaria pop ? Sur le papier, l'idée semblait aussi saugrenue que d'imaginer le Che en membre frétillant d'un énième boys band. Pourtant, Claire Diterzi l'a matérialisée en écrivant une quinzaine de chansons qui forment l'étonnant spectacle Rosa la Rouge, mis en scène par l'homme de théâtre Marcial Di Fonzo Bo. Avec l'idée de se servir de la figure historique de cette militante et théoricienne marxiste pour l'emmener plus loin. Ainsi, en 2011, Rosa Luxemburg envoie des SMS, possède une carte Ikea, et traite les hommes de couilles molles. Loin de la simple modernisation aguicheuse, Claire Diterzi a simplement souhaité tisser des ponts entre elle, artiste du XXIe siècle qui avoue être très loin de la politique, et Rosa Luxemburg, militante pacifiste qui mourut pour ses idées – et pas du tout de mort lente, puisqu'elle fut assassinée en 1919, à moins de 50 ans.

Baby one more time

Plus qu'un chant révolutionnaire, Rosa la Rouge peut donc se voir comme une ode à la figure féminine qu'était Rosa Luxemburg, comme nous l'a expliqué Claire Diterzi. «Je lui ai redonné toute la fantaisie qu'elle n'avait pas à l'époque de la censure. Aujourd'hui ma vieille, tu es Britney Spears ! Tu veux toucher la masse ? Eh bien moi aussi je veux toucher la masse ! Moi en tant que chanteuse, toi en tant que politicienne.» En découle, en guise d'ouverture, un titre pop aux accents r'n'b, qui plante le décor tant musicalement que visuellement : la chanteuse, entourée de musiciens dans une scénographie utilisant judicieusement la vidéo (pour cette partie, des corps sculpturaux à l'image des clips estampillés MTV), clame «I touch the mass / I want to feel your body». Que Beyonce and co aillent remettre leur mini short moulant, elles ont de la concurrence… inattendue ! L'ensemble du concert est alors à l'image de cette scène introductive audacieuse : un concert qui, en dépit des nombreux genres musicaux convoqués (on passe de la pop à l'opérette, du rock à la ballade…), renferme une grande cohérence ; à l'image de son interprète, artiste atypique malheureusement mésestimé dans un univers de la chanson française extrêmement rigide et globalement peu inventif. Le monde est cruel.


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Le bonheur est dans le précaire