En équilibre sur un fil


L'univers artistique de Sarah Tritz, 31 ans, décontenancera peut-être certains d'entre vous, tant il invite le spectateur à franchir des seuils sensibles, et tente de bouleverser sa perception pour l'ouvrir à toute une polysémie et à toute une polymorphie (dessins, installations, sculptures, peintures...). Sarah Tritz travaille à partir des données concrètes du lieu où elle expose, composant avec elles une sorte de parcours plastique où les œuvres dialoguent, s'attirent ou s'opposent. Le parcours au CAP de Saint-Fons (incluant plusieurs photographies et une vidéo de Maxime Thieffine) rassemble beaucoup de dessins et d'interventions quasi "gestuelles", fragiles, éclatées, parfois même discrètes : une tige de métal coudée reliant le sol au plafond, quelques objets sur des socles (reconstituant des visions fugitives de l'artiste dans le métro), une sculpture-assemblage filiforme, des petits plâtres ou de petites peintures... Dans ses collages et dessins, la figuration est mise sous tension avec des motifs abstraits ou des découpes dans le papier, et les références fourmillent avec liberté (Kandinsky, De Chirico, Picabia...). Plus globalement, l'œuvre de l'artiste nous touche particulièrement par sa capacité à allier des problématiques formelles et un certain lyrisme. Rigueur et poésie. C'est un art du montage et de la rencontre entre fragments disparates, sensations hétéroclites, représentations contraires. Un fil ténu les relie, esquissant une sorte d'équilibre improbable et poignant.
Jean-Emmanuel Denave


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