Leçon de méta-physique


C'est par un grand roulé-boulé qu'entre en scène le jeune comédien Stanislas Roquette. Le ton est donné : l'expérience théâtrale proposée ici sera physique, de l'acrobatie à la tension corporelle la plus ramassée sur soi, en passant par quelques accélérations verbales virtuoses ou utilisations démonstratives des bras et des jambes... Nous n'assistons pourtant pas à une performance mais bel et bien à l'adaptation du Livre XI des Confessions de Saint-Augustin, datant du IVe siècle ! Soit l'un des grands textes de l'histoire de la philosophie où l'auteur s'interroge sur le temps, avec simplicité et entêtement. Rappelez-vous : «Qu'est-ce que le temps ? Si personne ne me le demande, je sais. Si on me le demande et que je veux l'expliquer, je ne sais plus». Si toute existence humaine est consubstantielle au temps, alors cette interrogation métaphysique a de quoi titiller chacun d'entre nous. Stanislas Roquette, seul sur un plateau dépouillé, fait ressentir de manière "palpable" les enjeux du texte, ses articulations, ses gouffres... Aussi bien à travers des saynètes drolatiques à la Raymond Devos que dans une seconde partie émouvante et délicate. La musique de Schubert prend alors le relais pour nous donner une intuition poignante du temps comme affect, durée... Et en une heure que l'on ne voit quant à elle pas passer, cette pièce nous convainc avec brio du génie d'Augustin et de la possibilité de faire de la métaphysique un passionnant personnage sur scène.
Jean-Emmanuel Denave


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