Molière ou l'éternelle jeunesse


Déjà quatre ans que Christian Schiaretti présente des "petits" Molière. Soit il s'agit de pièces en un acte, soit de pièces méconnues. Pas de grand classique à ce répertoire du TNP qui désormais comprend sept œuvres si ce n'est Les Précieuses Ridules reprise en ce moment avant de faire place à L'Etourdi ou les contretemps. Quand il crée L'Etourdi en 1654, Molière considère qu'il signe sa première pièce (alors que La Jalousie du barbouillé ou Le Médecin volant, vraisemblablement écrites avant, et que Schiaretti a aussi monté, ne comptent pas à ses yeux). Il est alors sur les routes depuis presque dix ans avec sa troupe de l'Illustre théâtre et a quitté un Paris hostile où il a fait faillite. Installé à Lyon, il joue notamment pour l'Aumône des pauvres de l'Hostel-Dieu ou dans un jeu de paume du quartier Saint-Paul. C'est cet esprit de troupe et de théâtre itinérant que Christian Schiaretti a réinventé avec son équipe permanente. Mascarille, éternel valet, plus malin que son maître dans L'Etourdi et demi-idiot se faisant passer, avec un certain crédit, pour un lettré dans Les Précieuses ridicules est le pivot de ces deux pièces qui, en prose ou en vers, moquent le jeu de miroirs dans lequel se fourvoient les puissants en mal d'admiration et les maîtres qui se croient supérieurs au seul motif de leur position sociale. À toute allure, avec coulisses à vue et dans des costumes parfaitement appropriés, Schiaretti et sa jeune troupe redonnent vitalité à ces textes délicieux, où la langue déjà - bien avant les Dom Juan, Tartuffe ou Femmes savantes - est d'une savoureuse intelligence.
Nadja Pobel


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