On voit ce qu'on aime


Le paysage n'existe pas, pas à l'état naturel en tout cas. Il s'agit d'une invention des peintres européens autour du XVIe siècle. «Tant que l'homme fixe le ciel, il ne regarde pas la terre ni les autres hommes. Paysages et visages profanes apparaissent à peu près au même moment dans la peinture occidentale, car on n'aime pas ce qu'on voit mais on voit ce qu'on aime» écrit Régis Debray. La galerie Descours nous invite à nous détourner des lubies transcendantales pour "ancrer" notre regard dans les cieux, les forêts et les terres de quelques peintres du XVIIe au début du XXe siècle. L'accrochage, sobre et sans prétention, confronte dans une première salle quelques réalisations lyonnaises (signées Grobon ou Janmot par exemple) à celles de leurs collègues nord-européens, nettement plus romantiques. On découvrira là par exemple la très belle Prairie à Saint-Ouen d'Antoine Chintreuil avec ses lumières ambiguës de crépuscule et cette étrange émotion induite par une grande économie de moyens et de motifs. Dans la deuxième salle, on pourra notamment revoir l'un des très rares paysages de Cretey et une grande toile de Hubert Robert. Une ultime salle regorge de véritables trésors tels un superbe et très petit paysage de ruines de Courbet, une vue de la Villa Médicis signée Caillebotte et une surprenante marine d'Antoine Séon, marine qui confirmera encore que le paysage est une formidable machine à rêver, un théâtre du regard.
Jean-Emmanuel Denave

 

 

Paysages, de Dughet à Caillebotte, à la galerie Michel Descours jusqu'au 28 janvier


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L’expérience interdite