Bon caractère

Continuant son exploration de la communication graphique entamée avec les affiches des transports britanniques, le Musée de l'Imprimerie s'attache aujourd'hui aux polices de caractère qui nous sont familières et souvent anonymes. Derrières certaines d'entre elles se cache le typographe Roger Excoffon. Découverte. Nadja Pobel


Levez les yeux sur l'enseigne de la Maison de Guignol montée du Gourguillon, l'auto-école du cours Vuitton ou la galerie de l'Olympe rue Auguste Comte et vous aurez vu alors les polices de caractère Banco, Mistral et Vendôme créées par Roger Excoffon dans l'immédiat après-guerre. Une cinquantaine d'autres devantures ont été répertoriées par le musée de l'Imprimerie. Mieux, le film Drive, utilise à son générique la Mistral. La communication graphique nous entoure en permanence sans qu'on la voie. Pourtant, tous ces caractères ont une histoire que conte le musée via Roger Excoffon, décédé en 1983. Ce dessinateur d'agence de publicité prend, à 35 ans, la tête de l'antenne parisienne de la fonderie Olive pilotée à Marseille par son beau-frère Marcel Olive. Excoffon dessine alors de nouvelles lettres en mouvement et va à l'encontre de la rigidité qui tient lieu de doxa à l'époque. Il va aussi à l'encontre de la technique : vouloir couler dans du plomb des lettres qui épousent parfois le geste manuscrit est un défi que la fonderie relève. La police Mistral est même l'imitation de sa propre écriture - les lettres se relient presque. Poussant l'ornement à l'extrême, il crayonne la Calypso servant de visuel à la fonderie. Avec ces créations, Olive réussit également à tenir tête à ses concurrents, les polices Univers, Helvetica ou Folio qui naissent dans des firmes allemandes et françaises au milieu du siècle.

Affichiste

Par la suite, Roger Excoffon met aussi son geste ample, stylisé à l'extrême, au service de la publicité et de grandes entreprises en créant son agence U&O (Urbi et Orbi). Il invente le premier l'écureuil de la Caisse d'Épargne qui n'est pas encore robotisé comme aujourd'hui et dont la queue est flamboyante. Surtout, Excoffon a intrinsèquement la capacité de promouvoir la vitesse ; son geste l'incarne. Dès 1968, il travaille donc pour la SNCF, dessine le logo qu'Air France gardera durant 50 ans et en quatre traits fuyants, il trace le plus rapide des avions, le Concorde. Et c'est de vitesse encore qu'il doit rendre compte en illustrant les  Jeux Olympiques de Grenoble en 1968 pour lesquels il invente les déclinaisons du logo et les pictogrammes des disciplines sportives. Avec ces multiples supports et travaux, Excoffon n'a rien moins que fortement imprégné l'identité visuelle des années cinquante et soixante.

Tout le monde connaît Roger Excoffon
au Musée de l'Imprimerie jusqu'au 24 février


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Millénium : les hommes qui n'aimaient pas les femmes