Entre les murs


«La nostalgie c'est les larmes au coin des yeux de mon père quand il parle de là-bas». Comme Brûler (joué actuellement avec conviction à l'Espace 44 par Karim Demnatt), Les Illusions du provisoire donne la parole aux gens trimbalés entre différentes terres. Cette phrase que l'on entend dans le spectacle interroge la place d'un homme mûr. Est-il de là-bas ? D'ici ? Ici, c'est le 8e arrondissement de Lyon, quartier Laennec-Mermoz, où une tour d'habitation a été vidée de ses occupants pour être démolie. Tous les témoins qui figurent dans ce spectacle n'ont pas forcément vécu dans cette tour désormais murée mais là n'est pas la question. Qu'ils soient Algériens, Géorgiens, Coréens, ex-Yougoslaves, Tahitiens, ils ont tous en commun l'expérience de l'exil et du déracinement mais se font pas passéistes. Ils savent aussi que leur vie est en partie ici. Comme ce nouveau retraité qui pensait retourner dans son pays d'origine la retraite venant mais qui, presque par surprise, découvre, qu'il s'est construit une vie en France. Le Théâtre du Grabuge ne se contente pas d'un manifeste social et politique en livrant un spectacle de théâtre qui tient parfaitement la route. Géraldine Bénichou (à la mise en scène), Sylvain Bolle-Reddat et Slimane Bounia (en jeu) se jouent des diffusions de vidéos (mini-films qui restituent leurs rencontres avec les habitants) et des clairs-obscurs avec un simple rideau qui prend la lumière ou se couvre de noir. Le comédien se confond parfois avec le gamin d'une vieille photo de classe projetée. Des effets de perspectives et de manipulations lumière rétrécissent ou agrandissent un protagoniste. Jamais leurs paroles ne deviennent un jouet. L'équipe artistique les amplifie et leur donne un écho, comme à ces mots d'Abdelkader qui valent bien des grands discours. Il répond oralement aux vœux de son édile : «Monsieur le maire, tu sais je refuse d'avoir peur, je refuse de rester enfermé chez moi».
Nadja Pobel


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