Supergator

Comme chaque année, le festival itinérant Les Nuits de l'Alligator se livre à un épuisant tour de France à la recherche des racines du blues et de tout ce qui s'en approche. Heureux les Lyonnais qui ont droit à une étape fort goûteuse de l'événement. Stéphane Duchêne


Le film d'alligator, ou de crocodile, ou de caïman, est devenu un genre à part entière de la catégorie épouvante. Scénario type : une bande d'abrutis baguenaude à la recherche d'un saurien géant dont ils pensent pouvoir tirer le portrait en toute impunité. Mais comme rien ne se passe jamais comme prévu, c'est finalement le crocodile qui les trouve et comme il n'a pas son Leica sur lui, il bouffe tout le monde et s'en retourne barboter dans une mare de sang.

Avec des titres tels que Crocodile, Crocodile 2, Lake Placid, Supergator ou... Solitaire, le seul intérêt du genre est des permettre à des réalisateurs (Tobe Hooper, Steve Miner, souvent pire) ou acteurs (Michael Vartan, le neveu de Sylvie) de seconde zone de s'acquitter de leurs obligations fiscales.

Où voulons-nous en venir ? On ne sait plus. Ah si : au fait que le festival saurien les Nuits de l'Alligator, est lui-même devenu un genre festivalier à part entière. Particularité : il voyage, pas forcément à la nage, dans toutes les salles de France et propose une exploration quasi exhaustive d'une musique qui depuis des temps (quasi) immémoriaux borde les eaux limoneuses du Mississippi, cette artère aorte de la culture américaine. Mais nul besoin pour y participer de passer ses journées à chiquer du tabac dans un rocking chair du côté de Birmingham, Alabama, ou d'Oxford, Mississippi.

Zyd&co

La preuve : parmi les trois formations conviées pour cette étape lyonnaise, seuls les Two Gallants sont américains, et encore, de San Francisco. Cela ne les empêche nullement de trimbaler dans leur musique hérissée d'harmonica et de southern rock, quelque chose qui vient de là qui vient du blues.

Pas vraiment bercé dans l'Americana, le Londonien Lewis Floyd Henry en restitue pourtant la tradition du «one man band», où un unique individu joue de plusieurs instruments à la fois. Lui s'est notamment fait connaître via une reprise hendrixienne du Protect Ya Neck du Wu Tang Clan.

Malgré tout, la formation la plus improbable de la soirée sera sans doute Mama Rosin. Déjà parce qu'elle ne compte aucune Mama, mais un trio helvète, repéré par Jon Spencer, qui n'a rien trouvé de mieux que de s'attaquer à la musique cajun et zydeco, deux vieilles traditions venues de la Louisiane francophone.

De la même manière que les protagonistes d'un film de crocodile ne s'attendent pas à se voir boulotter les deux jambes par un sac à main denté, on n'imaginait pas se faire un jour bouffer la cervelle par des cajuns à l'accent suisse. Ça nous apprendra.


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