Extras

Ricky Gervais & Stephen Merchant (The Corporation)


Ricky Gervais est un génie et l'Angleterre devrait chaque matin remercier le ciel de lui avoir offert un tel joyau, bien plus précieux que ceux de la couronne. En France, visiblement, tout le monde s'en fout. Car il aura fallu quatre ans pour qu'un éditeur (tout nouveau, tout beau) se décide à sortir en DVD Extras, l'autre grande série de Gervais et son acolyte Merchant après The Office. Extras, cela veut dire littéralement «figurants», et deux d'entre eux, Andy (Gervais) et Maggie (pétulante Ashley Jenson) font le tour des plateaux en cherchant, par tous les moyens, à décrocher une «line», c'est-à-dire une «réplique», moyen pour eux d'être mieux payés mais aussi de se faire repérer par le métier. Avec la même ironie que celle qu'ils portaient sur la vie de bureau, Gervais et Merchant arrivent à rendre crédible leur peinture du milieu du cinéma tout en outrant juste ce qu'il faut le trait pour le rendre hilarant. Dès le premier épisode, où Ben Stiller tourne un film sérieux sur la guerre en Yougoslavie inspiré de la vie réelle d'un homme qui y a perdu femme et enfants, ils déploient leur art consommé du rire embarrassé, comique de la gêne sans équivalent aujourd'hui. Au terme d'une première saison parfaite où défilent des guests prestigieuses (Kate Winslet, Samuel L. Jackson), les deux compères donnent un tour inattendu à leur intrigue : Andy finit par décrocher un rôle dans une sitcom. Mais cette réussite est en fait un piège, et il découvre que la célébrité peut aussi avoir un terrible revers, celui de bloquer quelqu'un dans un emploi et un gimmick. On sent pointer alors une forme d'autoportrait, comme si Gervais, tellement génial en patron odieux dans The Office, refusait qu'on le cantonne à ce rôle mémorable, clamant avec le sourire qu'il vaut encore mieux que ça. C'est le propre des grands artistes : conscients de leur génie, et pourtant toujours insatisfaits.

Christophe Chabert


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