Le rock'n'roll dans la peau


À l'automne 2007, des scientifiques ont découvert, folâtrant à près de quatre-vingt mètres de profondeur au large de l'Islande, un mollusque bivalve âgé d'environ quatre cent dix ans. Et ce vénérable truc gluant dont tout le monde se fichait d'entrer dans l'histoire en tant qu'animal le plus vieux jamais examiné. Les Fleshtones qui, depuis plus de trente ans, entretiennent la flamme d'un garage rock urgent et rugueux, sont de cette trempe : ignorés du grand public, adorés des spécialistes, ils nous enterreront tous.

D'autant qu'à la différence du mollusque sus-cité, décédé des suites des tripatouillages dont il a été victime, ces New-yorkais à l'électricité bien pendue résistent à toutes les analyses. Comment expliquer, en effet, qu'après une vingtaine de disques isotopes (de l'orgue farsifa et du fuzz en guise de protons, du rockabily, du punk et du surf pour les neutrons, le tout enveloppé d'imparables mélodies-électrons), le moindre de leur enregistrement soit accueilli avec la même ferveur que Roman Gods, leur pourtant indépassable premier album ? Comment expliquer qu'ils soient devenus si cultes que leurs dates prennent des airs de bacchanales jusqu'en Corrèze ? Pour filer la métaphore biologique, peut-être est-ce parce qu'ils sont finalement plus proche de Turritopsis nutricula, méduse immortelle car capable d'inverser son processus de vieillissement. Pour les avoir vus sur scène, justement dans le fief de François Hollande, on pense plus simplement que leur longévité tient à l'inégalable flamboyance de leurs concerts.
Benjamin Mialot


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