Hospitalité bavaroise


Si l'on en croit Scènes de chasse en Bavière, que Peter Fleischmann réalise en 1969 d'après la pièce de Martin Sperr, il ne faisait pas bon être une jeune fille libérée, un étranger ou un homosexuel dans la campagne allemande de l'époque. Dire que l'on est surpris par ce constat serait être un peu de mauvaise foi, et l'intérêt du film n'est pas tellement dans sa démonstration que dans l'incroyable violence avec laquelle elle s'abat à l'écran. Tout est parfait, pourtant, dans cette communauté pieuse d'agriculteurs et d'éleveurs. Le maire va être réélu, les enfants jouent, on badine avec les filles dans les champs. Mais le retour d'Abram (Martin Speer lui-même) fait ressurgir toutes les rancœurs : il sort de prison, on l'accuse d'être «pédé», la belle Hannelore prétend qu'il l'a mise enceinte. On ne saura jamais si tout cela est vrai, car Abram refuse tout aveu face aux brimades répétées. Mais plus il se tait, plus la brutalité se déchaîne. Fleischmann organise à l'écran, dans un noir et blanc charbonneux un incroyable chaos où l'on éprouve plus d'empathie pour un cochon égorgé que pour les villageois frustres et méchants aux trognes déformées par la haine. La scène qui donne son titre au film est d'une ironie terrible : les autochtones et la police organisent ensemble une chasse à l'homme dans la forêt, décor pastoral baigné sur la bande-son par un cantique religieux qui renforce la sensation que, dans l'Allemagne profonde, le ventre de la bête immonde est toujours fécond.
Christophe Chabert


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